La conservation a tout bon !

À l’heure du réchauffement climatique qui joue sur les récoltes et fait flamber les coûts des matières premières et en pleine crise économique, nombre de Français revoient leur façon de consommer. De fait, l’enjeu est de taille. Pour rappel, en France, les pertes et les gaspillages alimentaires représentent encore 10 millions de tonnes de produits par an, soit une valeur commerciale estimée à 16 milliards d’euros. 

Pour la phase de consommation, cela se monte à 30 kg par personne et par an de pertes et gaspillages au foyer (dont 7 kg de déchets alimentaires non consommés encore emballés). Outre un prélèvement inutile de ressources naturelles telles que les terres cultivables et l’eau, ce gaspillage engendre également des émissions de gaz à effet de serre qui sont évaluées par l’Ademe à 3 % de l’ensemble des émissions nationales (source : Ademe).

L’ENGOUEMENT POUR LE FAIT MAISON

En réponse à cela, beaucoup (re)découvrent le vrac et surtout préfèrent cuisiner plus sain et stocker au congélateur les restes. « Le marché de la conservation maison reste très porteur, confirme Eric Citone, PDG du groupe Berlin Packaging France qui détient la marque Le Parfait. L’engouement des Français pour le fait maison et l’envie de manger sain, lié à la récente inflation qui renforce ce besoin, font que nous pensons qu’il reste beaucoup de choses à faire sur ce marché ! » 

Une aubaine pour Le Parfait, créée il y a plus de 90 ans à Reims. Au départ, dédiés aux professionnels, les produits séduisent aujourd’hui beaucoup de particuliers. Cours pour faire soi-même ses conserves maison, transport et conservation du vrac mais aussi stockage de plats cuisinés que l’on place au congélateur, les débouchés sont nombreux pour ce produit rustique qui ne connaît pas l’obsolescence programmée (mis à part changer le joint de caoutchouc orange). « Pour autant, il n’y a pas de chiffre clair sur le marché de la conservation maison, poursuit le dirigeant. Nous travaillons actuellement avec des panélistes afin de pouvoir les connaître. 

Il faut toutefois prendre en compte que ce marché reste extrêmement lié au résultat des récoltes annuelles et peut donc se montrer très variable. Le besoin des contenants suit également les tendances de consommation, on voit actuellement apparaître un engouement de plus en plus fort pour les préparations fermentées et les sirops maison. » 

Dans le commerce, les marques multiplient les propositions. Volumes ronds, carrés ou rectangulaires pour conserver et stocker, empilables et surtout aux contenances variées. Il y en a pour toutes les cuisines et les goûts chez Luminarc, Duralex, Pyrex ou Boboco lancé en 2014 près de Cognac. Cette dernière a, en quelques années, connu une croissance fulgurante auprès des particuliers et des petites entreprises auxquels elle propose une vente en ligne de bocaux, pots et bouteilles en verre. 

Parmi les produits stars, on trouve notamment le pack “Mes bocaux faits maison” (24 bocaux différents avec couvercles et un livre de cuisine pour maîtriser la stérilisation et 84 recettes, 44,95 €) ou encore le “Coffret cadeau de naissance” (24 contenants en verre et couvercles pour démarrer la diversification alimentaire des bébés et un livre de recettes, 49,90 €).

UN NOUVEL ART DE VIVRE 

Et cette envie de changer sa façon de consommer ou de manger touche de plus en plus de Français. Sur les réseaux sociaux les #zerodechet ou #zerowaste ou #mangersain dépassent les plus de 4 millions de publications par an. « La crise sanitaire a exacerbé l’aspect santé et a donné envie aux consommateurs de manger mieux et plus sain, explique Sophie Hesse, directrice marketing et communication du groupe La Brigade De Buyer qui détient depuis un an et demi la marque Pebbly. 

En réduisant le gaspillage alimentaire et permettant de préparer, stocker et réchauffer ses plats faits maison, les articles pour la conservation sont un marché en plein essor. Résultat, ces nouveaux produits beaux, pratiques et écoresponsables issus du zéro déchet deviennent un véritable art de vivre et une tendance qui s’affiche sur les réseaux sociaux. » 

Boîtes transparentes empilées, bocaux joliment alignés révélant pâtes, légumes secs et autres aliments, l’heure est aux cuisines bien rangées et aux tiroirs que l’on photographie ouverts afin de dévoiler des boîtes savamment agencées.

« Cette tendance du kitchen management, qui comprend la conservation, se développe partout dans le monde avec des attentes différentes selon les pays, poursuit Sophie Hesse. C’est une catégorie de produits qui est en plein essor. En reprenant Pebbly, le groupe ne s’y est pas trompé. C’est une jeune marque qui séduit de par son esthétique, son ergonomie et ses valeurs. Aujourd’hui nous allons lui donner les moyens de se développer davantage en France d’abord, puis à l’international où les marques du groupe sont présentes comme en Allemagne ou aux Etats-Unis. »

À LA DROGUERIE : UN CONCEPT QUI ESSAIME 

Ouverte par ses parents, la droguerie à l’ancienne de Marc Mohsin-Barraud a évolué il y a 7 ans vers une nouvelle génération de magasins (trois à Paris : VIe , XVe et XIVe ) qui sélectionnent et valorisent des objets beaux, utiles et durables. Au cœur de l’offre, la conservation est complètement d’actualité. « Nous connaissons une forte demande pour ce type de produits que nous mettons en valeur sur nos podiums premium dès l’entrée du magasin, explique celui-ci. 

Nous travaillons notamment avec Pebbly et proposons la gamme en verre. Nous avons la chance de développer avec la marque des produits en fonction des besoins et remarques que nous recueillons. Nous proposons aussi les contenants en inox de la marque anglaise Black+Blum. L’idée : opérer une sélection drastique, bien choisir nos partenaires et connaître sur le bout des doigts leur histoire, la fabrication des articles. » Plus que jamais, plutôt que de multiplier les marques, Marc Mohsin-Barraud et son épouse misent sur un seul objet par usage et opèrent une montée en gamme. « L’avenir est aux bons et aux beaux produits faits pour durer », assure-t-il. Fort de ce succès, une quatrième boutique doit ouvrir prochainement, toujours à Paris, Rive Droite cette fois.

STABILISER LA SÉNESCENCE 

En point de vente, si le verre a davantage les préférences des consommateurs car jugé plus sain et durable, la nouvelle quête en matière de conservation est d’allonger la durée de vie des aliments. Le système de pompe qui permet de mettre les boîtes sous vide est en train d’être adopté par de plus en plus de marques et se révèle une solution pratique qui permet de garder la fraîcheur des aliments jusqu’à 5 fois plus longtemps (à l’air ambiant, au congélateur ou au frais). 

Ainsi, chez Pebbly une nouvelle gamme en verre a fait son apparition en septembre avec ce procédé. Chez Zwilling, qui a amorcé le marché de la conservation depuis 2020 avec sa gamme Fresh & Save, une extension de celle-ci vient tout juste de sortir. Après les produits frais (fruits, légumes, viande ou poisson), place aux produits secs et au vrac avec Fresh & Save Cube. 

« Le marché ne faiblit pas et reste une préoccupation majeure, notamment avec l’inflation, les gens font plus attention à moins jeter, explique Nathalie Chabert à la tête du marketing et de la communication France du groupe Zwilling Staub. D’ailleurs, la gamme Fresh & Save est passée de 7 % de nos ventes en 2022 à 12 % uniquement sur le 1er semestre, ce qui met en évidence l’intérêt croissant du marché pour ce système de conservation. 

Avec Fresh & Save Cube, nous proposons un nouveau système modulaire et empilable pour organiser la cuisine et conserver en faisant ou non le vide avec la pompe. » Et le marché bouillonne. Ainsi, le nouvel acteur Biotyfood a fait son apparition proposant des boîtes sous-vides en 100 % verre (récipient et couvercle) avec joints et conduits d’extraction de l’air en silicone platinium. 

En verre borosilicate (durable et résistant à une grande amplitude de température de - 50°C à + 250°C), plus de 2 ans de R&D ont été nécessaires pour déposer le brevet made in France à l’international et développer la nouvelle technologie. 

« Notre concept est de proposer un contenant sans contaminant, explique l’inventeur et fondateur Jean-François Bourrec. On pose celui-ci sur le socle qui opère la mise sous vide (0,4 bar) en quelques secondes révolutionnant ainsi l’usage du bocal qui peut passer du froid au chaud avec la particularité de stabiliser la sénescence. » 

Après une campagne de crowdfunding qui a vu tous les produits vendus et une première levée de fonds, Biotyfood opère un réassort des produits en novembre avec l’objectif d’intégrer rapidement des circuits de distribution afin de toucher le grand public. « La ressource alimentaire va s’effondrer face aux aléas climatiques. Cela impacte les prises de conscience et les produits de conservation s’imposent comme un nouveau réflexe chez de plus en plus de Français et dans le monde. »