L'artisanat, plus tendance que jamais

08 novembre 2017
Par : Anne LE MOUËLLIC

Les objets façonnés à la main opèrent un retour en force dans les intérieurs, portés par les consommateurs qui, de plus en plus, recherchent des produits éthiques et authentiques. Décryptage.

"Depuis quelque temps émerge une nouvelle génération d’artisans designers qui créent et fabriquent eux-mêmes leurs pièces », constate Pauline Glaizal, styliste et chroniqueuse dans l’émission de télévision Téva Déco. « C’est le cas par exemple du souffleur de verre Jeremy Maxwell Wintrebert ou de la designer Elisa Strozyk qui crée des objets en textile et bois », cite-t-elle. « On parle de néo-artisanat pour décrire cette nouvelle tendance qui allie les techniques anciennes et la modernité. » 

Verrerie, tressage, poterie, cannage, ébénisterie, tournage, modelage, sérigraphie, tissage, miroiterie, émaillage, broderie… « Il y a un vrai retour aux savoir-faire qui sont à nouveau mis en valeur. »


Pièces uniques 

Cette valorisation s’est notamment traduite par l’ouverture, ces derniers mois, dans la capitale française d’espaces commerciaux, à mi-chemin entre le magasin et la galerie d’art : le conceptstore Empreintes, l’Atelier singulier ou la boutique Nous. Leur point commun ? Proposer à la vente leur sélection de pièces uniques ou de petites séries réalisées par des artisans. L’Atelier singulier, par exemple, met en avant les vases en porcelaine de la céramiste Karen Petit, les coussins de la designer textile Morgane Baroghel-Crucq ou les bougeoirs en verre de Laurence Barbant et Alain Villechange. 

Tous ces objets sont façonnés à la main. Même démarche à la boutique Nous, où sont mis en vente la collection de vases en grès émaillé des céramistes Nathalie et Christophe Hurtault et les plateaux en lin et résine de Yumiko Sekine. Dans le conceptstore Empreintes dédié aux métiers d’art, plus de 1 000 pièces sont présentées sur 600 m². Côté décoration, y sont commercialisés les coussins d’Alice Leblanc Laroche, les sérigraphies de Fany Perret, les plateaux en corde de coton de Mélanie Clénet, les textiles de Juliette Vergne et les vases en faïence de Valerie Leroux.

Les textiles de Morgane Baroghel-Crucq sont tissés à la main dans son atelier parisien

Artisans 2.0

« Il y a un véritable regain d’intérêt pour le geste manuel, l’intelligence de la main », analyse Pauline Glaizal. Mais sans le côté démodé qui a parfois collé à l’artisanat. « Nous sommes sortis de l’image rustique ou baba-cool de ces métiers », note la styliste. D’ailleurs ces nouveaux artisans sont très connectés. Ils n’hésitent pas à utiliser des techniques innovantes, telles que l’impression 3 D ou la découpe laser, associées à des savoir-faire traditionnels. Ils disposent en général d’un site internet pour présenter leur travail ou leurs outils, gèrent leur boutique en ligne et sont très actifs sur les réseaux sociaux. 

C’est par exemple le cas des céramistes Pia Van Peteghem, Justine Lacoste et Aurélie Dorard, ou des ébénistes Antonis Cardew et Antony Bonniot, qui postent sur Instagram des photos ou des vidéos de leur atelier ou de leurs dernières créations.


Transparence et traçabilité 

Cet intérêt, Elsa Coustals, co-fondatrice et directrice artistique de la boutique La Trésorerie à Paris dédiée à l’univers de la maison, le constate chaque jour davantage. « Il y a un fort engouement des clients pour les produits artisanaux. Ils veulent savoir où et comment est fabriqué l’objet, par qui, quels sont les matériaux utilisés, etc. ». 

Les vases de Karen Petit en porcelaine tournée et façonnée à la main sont des pièces uniques et en édition limitée

Ouverte en avril 2014, La Trésorerie s’attache à proposer des articles durables et de qualité, issus de manufactures qui garantissent le respect de certaines normes sociales. Dans le magasin, des fiches présentent d’ailleurs les fabricants des objets vendus. « Cette volonté de transparence sur la provenance, qui est la nôtre depuis le départ, trouve de plus en plus un écho favorable auprès du public », note Elsa Coustals. 

Selon cette dernière, il existe un parallèle avec les nouveaux comportements alimentaires et l’essor de l’agriculture biologique. « L’exigence de traçabilité ne s’arrête pas à la nourriture. Le public s’interroge sur tous les produits qu’il achète, leur impact sur l’environnement… ».


Tendance durable

L’équipe de la Trésorerie propose également dans sa boutique parisienne et dans l’e-shop du même nom une sélection de pièces artisanales, telles que les soliflores en porcelaine de la créatrice danoise Ditte Fischer, ou ceux en verre recyclé de sa compatriote Bettina Schori, les bougies moulées à la main dans la manufacture Alterlyset à Copenhague ou encore les sets de table tissés par l’atelier Tensira en Guinée.

 « Des objets où l’on retrouve la main de l’homme, qui peuvent présenter des “imperfections” mais qui lui confèrent un caractère unique », souligne Elsa Coustals. 

Pour la styliste Pauline Glaizal, ce sont ces petits “défauts” qui ont contribué au retour en grâce de l’artisanat. « Ils séduisent les acheteurs car ils répondent à leur besoin d’authenticité. » 

Et d’ajouter : « Cette envie d’objets faits main s’est développée en quelque sorte en réaction à une certaine surconsommation. C’est une tendance qui est là pour longtemps. » 

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