Dossier

Diane Blanch : « L’art de la table est vecteur d’échange avec les clients »

12 mai 2023
Par : Sophie KOMAROFF

Diane Blanch, maître d’hôtel au Beau Rivage Palace à Lausanne, a remporté le Trophée du maître d’hôtel organisé à Lyon durant le Sirha en janvier dernier. Un concours tremplin pour les participants et une vitrine de l’art de la table et du service de plus en plus scrutée. Rencontre.

Offrir International : Qu’est-ce qui vous a motivée à participer au Trophée du Maître d’hôtel ? 

Diane Blanch : Je me suis inscrite par goût pour l’univers des concours : c’est toujours une remise en question, l’occasion de mener de nouveaux projets et d’accepter un challenge. La particularité du Trophée du maître d’hôtel est de se dérouler devant un public, et non à huis clos devant le seul jury professionnel : j’avais envie de promouvoir le métier du service en salle devant un public. Enfin, même si je me suis lancée dans ce concours en mon nom, c’est aussi une belle visibilité pour le restaurant Anne-Sophie Pic au Beau Rivage Palace où j’exerce. 

Qu’est-ce qui a été le plus challengeant pour vous ? 

Nous avons reçu les sujets de la finale aux alentours du 10 décembre, j’ai donc dû préparer les épreuves au moment des fêtes de fin d’année, une période très active dans notre secteur. Mais dans les métiers du service, nous avons l’habitude de travailler sous pression et nous savons nous démultiplier ! Si mes recettes étaient au point, j’ai mis à profit la période de fermeture du restaurant en janvier pour trouver les contenants. Pour l’atelier sur l’art du fromage, j’ai notamment choisi une assiette en verre fumé rappelant l’élément minéral.

Pour l’art du café, l’épreuve consistait à réaliser un cocktail en slow coffee. J’ai réussi à trouver des verres en formes de bonbons en référence aux papillotes lyonnaises, en hommage à la ville accueillant le concours, pour présenter une boisson mêlant du café et un lait meringué espagnol parfumé à la cannelle. J’avais besoin d’un contenant transparent pour mettre en évidence les différences de densité, donc de couleurs : une strate de crème au fond avec le lait meringué, puis le café et enfin la mousse pour un rendu très visuel grâce à ce verre. En barware, il y a deux écoles : les adeptes des contenants épurés et linéaires, et la tendance actuelle en faveur de contenants originaux. C’est cette option que j’ai privilégiée pour porter cette préparation. J’ai aussi choisi une céramique lyonnaise pour les verres à cocktail pour la demi-finale, afin de valoriser le travail local d’un artisan. C’est une démarche que nous menons déjà au Beau Rivage Palace : une de mes premières missions consistait à rechercher des céramistes suisses pour valoriser les acteurs locaux. Nous en avons sélectionné deux qui réalisent pour nous des projets sur-mesure. Cela représente certes un coût ainsi que des délais en termes de production, et requiert beaucoup de recherches, mais je suis sensible aux arts de la table.

Comment définissez-vous l’art de dresser une table ? 

Le dressage de la table reflète le cadre, l’ambiance et la cuisine d’un restaurant, et permet au client de mettre un pied supplémentaire dans le décor, au-delà de l’environnement général. C’est une mise en condition, selon les éléments qui se trouvent sur la table (nappe, argenterie, etc.). Cela étant, tout est permis de nos jours : même dans un restaurant gastronomique, il peut n’y avoir aucune mise en place préalable : c’est vraiment un parti-pris pour exprimer une personnalité et un savoir-faire uniques : chaque restaurant et chaque salle sont différents. 

Quelle est votre table idéale ? 

C’est une table assez épurée, qui comporte pour commencer deux assiettes (une de présentation, une à pain), blanches de préférence, un verre à eau et un objet décoratif qui reflète une personnalité (celle du chef, du restaurant ou l’histoire qu’on souhaite raconter). Après, tous les à-côtés sont apportés sur la table qui ainsi prend vie. Avec une table déjà totalement dressée, le client ne fera pas toujours attention à la multitude d’éléments qui s’y trouvent, tandis que le fait de les amener au fur et à mesure confère une valeur ajoutée. J’aime beaucoup les pièces en céramique qui se démarquent par des formes originales, ainsi que la tendance surréaliste. Les assiettes en bois sont également très intéressantes pour le service. Et j’adore la méthode japonaise kintsugi qui consiste à réparer les objets en céramique ou porcelaine en les rehaussant d’or : cela procure un objet non conventionnel et unique, avec un côté sustainable.

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LE TROPHÉE DU MAÎTRE D’HÔTEL

Le Trophée du maître d’Hôtel est né de la rencontre entre Denis Férault, Denis Courtiade, Hervé Parmentier, Stéphane Trapier et Patrick Chauvin. Ces cinq professionnels du service investis dans leur profession, ont créé ce concours en 2015, œuvrant pour que celui-ci devienne une référence parmi les maîtres d’hôtel, fort de ses valeurs que sont la transmission, l’innovation et l’excellence. Sa finale se déroule aux côtés des plus grands concours gastronomiques, notamment le Bocuse d’or. L’édition 2023 a été remportée par Diane Blanch, suivie par Tess Constant (Maison Troisgros à Ouches) et Émilie Saint Quentin (hôtel-restaurant Anne de Bretagne à la Plaine-sur-Mer) ont respectivement décroché les trophées d’argent et de bronze. 

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Quelles sont les tendances et les attentes clients que vous observez actuellement ? 

Nous assistons au retour en force des matières naturelles telles que le bois, la pierre, etc. Les clients se révèlent sensibles à la texture, à la finesse, au bruit, aux décors des objets d’art de la table. Au Beau Rivage Palace par exemple, les assiettes de présentation sont ornées de fleurs, afin que les convives entrent immédiatement dans l’univers de la chef qui utilise beaucoup d’herbes et d’épices dans sa cuisine. Nous avons aussi demandé à nos partenaires céramistes une collection dans les tons bleus évoquant le lac Léman pour la présentation des poissons, et cela fonctionne très bien. L’art de la table est vecteur d’échange avec les clients et cela nous donne, en salle, l’opportunité d’une histoire à raconter. C’est un tout, une expérience, un instrument mais aussi un objet décoratif. C’est donc une pierre dans l’histoire du restaurant, avec le décor, le paysage, le service, la cuisine, et l’annonce des plats. L’art de la table fait partie d’une expérience globale. 

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