Dossier

Ventes additionnelles : de multiples pistes à explorer

23 octobre 2021
Par : Samia Ouledcheikh

Formation, merchandising, composition des gammes, etc. Pour faire progresser ses ventes, de nombreux leviers existent. Parmi les principaux : la capacité d’écoute et l’expertise.

Pour développer son activité, il est possible de jouer sur les quantités. La technique consistant à proposer par exemple une boite gratuite pour une boite de 6 verres achetés fonctionne certes toujours, mais de nombreuses autres pistes existent. Thierry Villotte, président de la Confédération des arts de la table (CAT), le confirme : la vente additionnelle est un élément essentiel du business : « Notre univers regroupe des produits qui, pour la plupart, sont des achats d’impulsion. Le terreau est donc favorable. Si le client achète une poêle, il sera facilement intéressé par des ustensiles de cuisine, cela a du sens. » Pierre-Louis Lacoste, cofondateur d’Ankorstore, pointe un autre avantage : « Il y a beaucoup d’items à acheter : nappes, dessous de plats, etc. ; et nous avons des marques iconiques, telles qu’Opinel par exemple, qui facilitent le fait d’aller vers ces produits ».

Pour effectuer la vente complémentaire d’un produit, les vendeurs de l’enseigne TOC s’enquièrent de son usage par le client, car celui-ci peut évoluer, à l’instar de la cocotte, aujourd’hui utilisée pour réaliser du pain

 Afin de stimuler les ventes, la CAT mène actuellement deux chantiers. Tout d’abord, “l’aCATémie”, un programme de formation des conseillers de vente : « Celui-ci comprend un module d’histoire des arts de la table et de la décoration, une partie sur la fabrication d’un couvert ou d’une casserole ; et enfin, l’ensemble des techniques à connaître par le personnel de vente, avec un volet sur la vente additionnelle. » L’enjeu ? Gagner en expertise sur l’art de la table, notamment pour les professionnels nouvellement embauchés issus d’autres secteurs. Bien connaitre son produit permet aussi de développer l’up-selling, technique qui consiste à orienter un chaland qui entre en boutique avec l’idée d’acquérir un produit d’entrée de gamme vers un article plus coûteux. « Dans tous les cas, il s’agit de générer de la marge en répondant à un besoin », insiste Thierry Villotte.

 Deuxième chantier de la Confédération, la plateforme Ensemble à table dont l’objectif est de générer du trafic en point de vente : « C’est notamment une opportunité pour la boutique de concrétiser d’autres ventes, grâce au conseil en particulier. »

LA FORMATION, LEVIER DE LA VENTE ADDITIONNELLE

 « Le meilleur levier de la vente additionnelle, c’est la formation, souligne pour sa part Stéphane Malherbe, directeur des achats et marketing d’EK France (enseignes Ambiance & Styles et Culinarion). Pour la cuisine, nous travaillons sur la technicité des produits, tandis que sur la décoration, nous mettons davantage l’accent sur la mise en ambiance. » Pour le segment culinaire, le vendeur doit en effet être capable d’expliquer un produit, son usage et ses caractéristiques. « Ce n’est pas seulement une démarche mercantile, il s’agit d’accompagner le client pour répondre à son besoin », note Stéphane Malherbe. 

Il convient d’expliquer par exemple, comment une casserole tout inox permet de mieux cuisiner, de mettre en exergue sa technicité et son bénéfice : « Notre partenaire Cristel, par exemple, propose avec son concept Biome une nouvelle façon de cuire, avec un seul ustensile permettant 3 modes de cuisson différents : tous les magasins ont suivi une formation pour être capable de restituer les atouts du produit », poursuit Stéphane Malherbe. Une démarche mise en œuvre également avec d’autres marques, telles que De Buyer, Riviera & Bar ou encore Magimix.

 Concernant le linge de maison, il s’agit plutôt d’insister sur les caractéristiques du tissu et de le placer de préférence en ambiance. « En décoration, si le client souhaite des verres pour un événement, il est possible de proposer une décoration de table, un accessoire qui permet de l’embellir », poursuit Stéphane Malherbe. Le petit plus dans l’expertise est très apprécié du client. 

Favoriser la vente additionnelle passe aussi par les mises en scène : « Chez Ambiance & Styles, la notion de plaisir et de faire plaisir est essentielle, le magasin doit être “inspirant”. » L’enseigne Trouble obsessionnel culinaire, de son côté, a relancé un programme de formation à l’intention des managers pour développer les ventes. « Il faut que le manager maîtrise pour transmettre, estime Lionel Debus, directeur général d’Epicuria, société du groupe Hefed qui gère la marque TOC. Cela passe par des sketchs et un travail sur l’écoute active ». Et d’insister sur l’importance de l’étape relative au questionnement du client : « En cuisine, si vous vendez une poêle, vous pouvez ajouter la manique, une protection de poêle, le couvercle, etc. Si vous interrogez pertinemment la personne lors de sa recherche primaire, la vente complémentaire se révèle facile. »

UN MERCHANDISING ADAPTÉ 

Lionel Debus souligne en outre que la vente additionnelle se prépare dès la constitution de la gamme des produits et dans le merchandising, où la complémentarité doit être naturelle : « Si les couvercles de poêle sont disposés à l’autre bout du magasin, c’est moins efficace ! » Cela se travaille et c’est ce que le réseau TOC met en place en identifiant les produits et les complémentarités qui elles-mêmes évoluent. « La vente complémentaire autour de la cocotte dépend par exemple de ce que le client cuisine, illustre le dirigeant d’Epicuria, en évoquant l’usage qui consiste à préparer du pain avec cet ustensile. C’est tout le travail du merchandising que de piloter le changement.»

MADE IN FRANCE ET VENTE DE SUBSTITUTION 

L’attrait du made in France et du made in Europe représente aussi une opportunité d’upselling. « En 2019, le supplément que le consommateur était prêt à payer pour le made in France était de 5 à 10 %, aujourd’hui il est plutôt 20 % », affirme Thierry Villotte. Là encore, l’accompagnement est important pour réaliser la vente de substitution. « Nous travaillons avec des marques françaises, et nous expliquons aux clients pourquoi il est important d’acheter des produits de qualité au prix juste. Les produits de faible qualité devront être renouvelés, alors que certains produits de qualité sont même garantis à vie. C’est un argument fort », commente Stéphane Malherbe.

L’ATOUT DÉVELOPPEMENT DURABLE 

La Confédération des arts de la table (CAT) construit un programme de formation par le biais de l’aCATémie, orienté sur les conseillers de vente, avec un volet relatif à la vente additionnelle.

Des rayons entiers ont émergé ces dernières années, comme celui des boites de conservation destinées au vrac. S’ils ne sont pas nécessairement l’objet d’une visite de destination, ils peuvent se révéler source de vente additionnelle. « Les enfants qui s’intéressent beaucoup à la cuisine et à l’écologie sont très prescripteurs, met en évidence Stéphane Malherbe. La bouteille isotherme en est une bonne illustration : « Cette évolution des attentes des consommateurs entraine chez nous d’importantes reventes, sur la bouteille Qwetch, en particulier », note Stéphane Malherbe qui constate par ailleurs la progression du segment des produits d’entretien, avec des marques telles qu’Andrée Jardin ou L’Efficace : « Ce segment est en plein essor et ne cesse de progresser chez Culinarion ». L’idéal pour profiter à plein de l’expansion des produits d’entretien écologiques ? Proposer un espace dédié, et que le client trouve également le produit à côté de son usage.

UNE OFFRE EXHAUSTIVE 

L’usage principal des couvercles en silicone Charles Viancin est la conservation des aliments au réfrigérateur en évitant de recourir au film alimentaire plastique étirable et au papier d’aluminium. Résistants aux températures élevées, ces accessoires servent également pour le réchauffage au four à micro-ondes, pour la cuisson au four, retiennent les projections sur une poêle ou le mijotage sur une casserole, ou passent à table pour les repas indoor et outdoor. Leur design inspiré de la nature en fait des produits d’achat d’impulsion. La marque propose un présentoir qui permet de les disposer à proximité des produits dédiés à la conservation et aux ustensiles de cuisson. L’effet de collection est aussi un atout pour motiver cet achat complémentaire. Prix publics : de 3,50 € le bouchon à 65 € (coffret cadeau)

Selon Pierre-Yves Magnan, responsable achats chez Mathon, pour favoriser la vente additionnelle, il importe de se différencier par rapport aux généralistes en proposant une sélection choisie – et non du tout-venant –, une offre de préférence premium avec une expertise. « Si le client vient pour un robot culinaire ou pâtissier, le premier paramètre est l’exhaustivité de l’offre, le deuxième est, dans la fiche produit, de pouvoir lui montrer les produits additionnels adéquats. Ainsi, si le client tombe sur un robot peu évolutif, à nous de le réorienter, et s’il opte pour un appareil KitchenAid, de lui proposer en cross-selling les 10 ou 15 accessoires. » « Le point commun entre la vente physique et l’expérience on-line chez Mathon est une proposition qui arrive tôt dans le parcours, détaille Pierre-Yves Magnan. 

La personne qui s’intéresse à la poêle de 24 cm de diamètre se verra proposer, par exemple, un lot de 2 poêles avec la taille 28 cm, de la même façon qu’il aura une offre associée en boutique ». Le culinaire se révèle particulièrement porteur en termes de ventes additionnelles. « Nous le constatons avec les clients KitchenAid ou Cristel qui peuvent souvent dépenser beaucoup, jusqu’à 1 500 € immédiatement, ainsi qu’avec d’autres qui reviennent quelques mois plus tard compléter leur achat. » S’il n’est pas nouveau que les clients démarrent par les fondamentaux, vouloir l’uniformité de couleur est un phénomène plus récent. Le phénomène est ciblé sur quelques références telles que KitchenAid ou Smeg : « Ce sont des produits assez onéreux, mais les gens peuvent vouloir la série – robot, presse-agrume, etc. – dans la même couleur. »

LES BONNES ASSOCIATIONS, EN BTOB AUSSI 

Pour Pierre-Louis Lacoste (Ankorstore), un distributeur doit être en mesure d’orienter le détaillant vers les bonnes associations. « Sur les sites BtoC, le produit complémentaire est proposé lors de la mise dans le panier : vous achetez des fourchettes et des couteaux Sabre, on vous indique que ça se conjugue bien avec telles serviettes… En BtoB, nous devons procéder de même : vous achetez une bougie My Jolie Candle, elle sera avantageusement présentée sur telle nappe, donc nous vous proposons, pour optimiser votre taux de sortie, de l’associer à tel produit… Ce sera notre force dans les prochains mois ». 

Aujourd’hui, Pierre-Louis Lacoste relève que ce qui importe concernant le produit complémentaire, c’est de l’avoir ! « Si une boutique cherche une 2e marque, il lui faut la trouver. » En ligne comme en magasin, la force du vendeur est de disposer d’une sélection cohérente dans l’univers qu’il représente. Dans les deux cas, la vente additionnelle passe aussi par la découverte, et l’information du consommateur. La boutique qui récupère une adresse e-mail doit être en capacité d’envoyer un message signalant « j’ai référencé cela en magasin… ». Difficile d’avancer des chiffres précis sur l’apport des ventes additionnelles. « En général, on arrive sur les produits moins onéreux à 10, 15 ou 20 % de la valeur produit, note Pierre-Yves Magnan (Mathon). Mais on peut considérer l’apport selon deux approches : l’achat immédiat, avec le pousse-panier, de 5 à 15 % en plus, c’est selon… Ou le client revient compléter son offre sur le même type de produit ! » Et double la mise… 

EFFET PARTICULIER DE LA CRISE COVID-19 

Les consommateurs se sont davantage équipés ces derniers mois, et le confinement a démocratisé des produits. « Avec les machines à pain, nous avons vendu les moules, remarque Pierre-Yves Magnan (Mathon). Nous avons enregistré des paniers plus conséquents, vendu davantage de tapis de cuisson, de rouleaux à pâtisserie, et nous avons eu aussi des entrées plus expertes. » Et connu un phénomène exceptionnel : « Nous avons évité de pousser des produits, tels que les machines à pain et les yaourtières, à cause des difficultés d’approvisionnement. Nous les avons moins mis en avant et moins promotionnés, et plutôt tenté d’en réduire les ventes », confie le responsable.

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