Dossier

Le savoir-dire, une compétence contemporaine

09 septembre 2020
Par : Denis Courtiade

L’art de trouver le mot juste influence chacune de nos relations.

Les mots employés ne doivent pas être dictés par l’habitude ou s’économiser en expressions routinières, mais être adéquats, appropriés à l’instant T et adaptés à la personne à qui ils sont destinés. Le maître d’hôtel doit donc en permanence être à la recherche de cette justesse verbale dans l’exercice de son métier, et transmettre ce savoir-dire aux jeunes talents dans le but d’assurer une continuité, à la fois professionnelle et contemporaine. 

Le savoir-dire fait partie du professionnalisme 

Pour savoir-dire, le maître d’hôtel doit maîtriser sa partition, donc emmagasiner les connaissances, se cultiver, être ouvert à son environnement. Avec sa personnalité, son charisme, son vécu, son style, son expertise, son accent, sa sympathie, il doit être capable de jongler avec les mots. L’humour, notamment, permet une communication qui traverse les couches sociales. 

Les mots pour offrir l’hospitalité

Le maître d’hôtel est souvent la première personne que le client rencontre à son arrivée : dès l’accueil, il l’accompagne tant par son attitude ouverte (contact visuel, posture) qu’avec les mots adaptés : « Bonsoir monsieur, nous vous attendions, soyez le bienvenu… » Bien entendu, le niveau de langage employé doit être en adéquation avec le standing de l’établissement. Toutefois, un bon accueil est universel : ce n’est pas une question d’Homme, d’effectif, ou de procédures mais d’une multitude de sincères attentions. Le maître d’hôtel, par son discours, transmet de la bienveillance, de la chaleur. C’est avec beaucoup d’authenticité qu’il doit se montrer sincèrement heureux d’accueillir ses clients-hôtes.

Le savoir-dire pour personnaliser la relation 

Il importe de choisir réellement ses mots car ceux-ci ne sont jamais anodins : ils sont toujours des moments de partage et doivent alors s’adapter à l’autre. Les mots personnalisent la relation. Le maître d’hôtel doit commencer, via de subtils questionnements, par s’intéresser au client, à ses origines, sa culture, ses références, son pouvoir d’achat, etc. afin de le conseiller judicieusement plutôt que de “réciter” les mêmes conseils à chaque client. Ceux qu’il prodigue démontrent son aptitude à s’adapter. Il en sera de même pour le volume et le débit de parole, ainsi que le ton employé selon qu’il s’agisse de familles ou non, selon l’âge, la décontraction. La capacité d’adaptation du “savoir-dire” devient alors une marque d’intérêt. 

L’annonce des mets servis 

Il est bon également d’éviter l’aspect trop formel, parfois, de l’annonce des plats, le maître d’hôtel étant tenu de réciter une phrase “toute faite”, forcément ressentie comme étant impersonnelle par les clients consommateurs qui l’entendent répétée à l’identique aux tables voisines. Pour l’éviter, le maître d’hôtel doit s’approprier la préparation culinaire pour s’adresser à l’imaginaire du client-hôte (« Gamberoni du Golfe de San Remo pêchées à 300 m de profondeur… ») en utilisant des mots clés, explicites, valorisants, appétissants, imagés qui l’aideront à “raconter” ce mets avec la liberté de s’adapter au client, au contexte, au timing, à l’ambiance. Il convient de privilégier des phrases courtes : le client saura vous faire savoir s’il souhaite en connaître davantage. Tout au long de notre prestation, derrière nos masques chirurgicaux de service, cette communication verbale est accompagnée par le regard et la gestuelle de nos mains. 

Raconter les arts de la table 

Auprès de nos clients, ainsi que nous le faisons via la philosophie culinaire de nos chefs, il est de notre responsabilité de valoriser nos patrimoines artisanaux : porcelaines, argenteries, verreries, linges de table, etc. Pour cela, avec les mots justes et précis, le maître d’hôtel doit guider ses clients dans la découverte et l’assimilation des rituels de la table en éveillant leur curiosité. Qu’il s’agisse d’objets ordinaires, modernes ou extrêmement respectueux des traditions, cette exploration peut porter sur des sensations radicalement neuves ou ranimer la nostalgie et le bonheur d’un souvenir heureux. « Vous savez, tous les éléments qui composent notre art de la table ont leur propre histoire. La main de l’Homme transcende la matière au service du beau et du pratique. Chaque imperfection signe le caractère unique de chacune des pièces que vous retrouverez sur cette table tout au long de votre repas… » Le maître d’hôtel se doit d’être un conteur d’Histoire. Il invite à l’éveil des sens, il convie au voyage exploratoire, il anime l’objet de table avec ses mains et, surtout, avec ses mots. 

Les maladresses à éviter 

Les générations Y et Z ont grandi dans un contexte de communication à grande vitesse, favorisant les raccourcis. Or, dans nos restaurants, le client doit sentir que l’on prend le temps de s’occuper de son bien-être, de sa satisfaction et que l’on s’adresse à lui avec autant d’attention que celle que l’on porterait à un geste technique. A nous de nuancer en permanence entre les temps longs et brefs. Enfin, dans la communication écrite qu’il devra gérer (courriers, e-mails), le maître d’hôtel devra prendre du temps pour la relecture, et/ou se faire corriger par un tiers : les e-mails trop vite partis sont redoutables d’impacts négatifs via les mots mal orthographiés et jettent le discrédit sur toute l’entreprise. 

Transmettre le savoir-dire 

La maîtrise du savoir-dire est une compétence incontournable dans nos métiers de service, on apprend aussi à parler en lisant, en écoutant, en sachant reprendre pour soi le vocabulaire d’autrui. Les distanciations sociales actuelles offrent la formidable opportunité de repenser notre modèle de communication dans notre rapport à l’autre/l’hôte.

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