Dossier

Le retail : nouveau terrain de jeu pour activer les sens

20 juin 2025

Face à un ralentissement du trafic en magasin et à un recul des ventes, le marché de la décoration traverse une période délicate. Comment redynamiser l’acte d’achat ? Offrir International a interrogé des experts du retail et des enseignes sur les leviers susceptibles de générer de la désirabilité pour proposer une expérience shopping sensorielle.

La pandémie de covid-19 a été un point de basculement du commerce. Expansion de l’e-commerce en tête, les clients ont changé leurs habitudes de consommation et, avec elles, bousculé ce qui semblait acquis. L’heure est à la remise en question et aux interrogations. 

En fin d’année 2024, la conférence de Nelly Rodi “New Retail Horizons” le clamait haut et fort : “Le retail n’est pas mort : il se réinvente !” « Il faut désormais composer avec une nouvelle définition du retail, estime Constance Le Nay, consultante senior luxe chez NellyRodi.

Tout s’est accéléré depuis le covid-19, et une marque ou une boutique n’est plus seulement un produit, un logo ou un lieu de vente : elle doit créer des liens émotionnels, être vecteur de connexion. »

Alinea propose des espaces Atelier Créatif dans tous ses magasins, ici à Villeneuve-d’Ascq.


UNE BOUTIQUE MAIS PAS SEULEMENT…

De fait, « aujourd’hui la boutique doit se repenser, être plus qu’un écrin, d’autant plus que le calendrier commercial n’a jamais été aussi étendu, sollicitant (trop ?) le consommateur », souligne Constance Le Nay. Devenu lieu culturel pouvant accueillir une librairie, un fleuriste ou un café pour mieux capter sa communauté, faisant collaborer offline et online (place au phygital), mais aussi s’appuyant sur les réseaux sociaux, ce nouveau rapport à une marque ou à une boutique fait émerger un retail d’un nouveau genre. 

Expérience visuelle et tactile avec le nouveau gobelet (28 cl) Onde de La Rochère (design : Studio La Racine) : un verre qui dialogue avec la lumière et le toucher. Prix public : 6,90 € l’unité.

Aujourd’hui, le client est embarqué au-delà du produit pour une expérience gustative, visuelle, voire olfactive ou, pourquoi pas, sonore. Ainsi, les marques de luxe en tête organisent des concerts ou showcases pour leurs meilleurs clients ou communauté ou encore le Bon Marché Rive Gauche à Paris qui, certains soirs, ferme ses portes pour accueillir des spectacles immersifs devant des clients émerveillés. 

« Chaque boutique ou marque, en fonction de son lieu d’implantation doit se questionner pour proposer du sur-mesure par rapport à sa localisation. L’idée : s’écarter de la standardisation », préconise Constance Le Nay. 

À l’image de la boutique Sessùn Alma à Marseille qui, outre les collections de mode féminine de la marque, propose de l’artisanat (céramique, décoration), une sélection de livres et surtout une petite cantine (24 couverts) qui accueille de jeunes chefs en résidence autour d’une cuisine simple, locale et de saison. 

MISE EN SCÈNE IMMERSIVE 

« L’art de la table est une catégorie complexe à mettre en scène car parfois difficile à renouveler en termes de style, analyse Émilie Miquelestorena, fondatrice de l’agence Another Retail. L’idée : le combiner à de la décoration (coussins, objets textiles), par exemple, pour enrichir les propositions d’associations et se démarquer. Aujourd’hui beaucoup de marques et d’entreprises s’inspirent des mêmes tendances sociétales qui sont mondiales, il est important que chacun joue sur un registre qui lui est propre pour créer des surprises visuelles. » 

Le secret : accrocher l’œil. Selon Émilie Miquelestorena qui travaille depuis 15 ans dans le retail et le merchandising spécialisés dans les univers de la mode et de la maison (dont six ans d’accompagnement de l’enseigne Maisons du monde), la problématique en matière d’art de la table réside dans le grand nombre de familles de produits qui coexiste rendant complexe la mise en scène. 

« Pour autant, c’est aussi un secteur où les clients sont beaucoup en recherche d’inspiration visuelle et pour lequel il y a une forte connexion émotionnelle. Plus que jamais, il faut oser travailler les compositions merchandising audacieuses et qui cassent les codes, jouer les harmonies visuelles, suggérer des moments de vie ou proposer des mises en scène qui permettent réellement de se projeter. » 

Que ce soit une pièce reconstituée évoquant un goûter, un repas de famille, un tea time, un jardin… peu importe. « Ce qui compte ? Jouer le jeu à fond, aller jusque dans le détail le plus petit avec, par exemple, des produits factices, la diffusion d’une senteur, voire pourquoi pas une ambiance sonore pour immerger le client dans cet univers recréé. Il y a un adage dans mon métier qui dit “un produit touché = un produit acheté !” » Pour Émilie Miquelestorena, le concept de Rituals est un exemple particulièrement représentatif du retail sensoriel dans l’univers de la décoration. 

« Leurs magasins sont conçus pour que le client ressente une sensation de déconnexion immédiate avec la cohue extérieure dès qu’il franchit le pas de la porte : ambiance feutrée par les plafonds foncés rabaissés, éclairages tamisés, musique apaisante, etc. Il est aussi directement enveloppé dans une odeur signature et accueilli par quelques mots de bienvenue d’un membre du personnel qui lui propose de déguster une boisson. La vue, l’odorat, l’ouïe et le goût sont sollicités dès son arrivée pour une expérience unique et véritablement identitaire à la marque. » 

Le toucher n’est pas en reste au moment de la découverte du produit : « Le client manipule des cloches pour tester chaque olfaction, il peut même tester les produits pour le corps grâce à des lavabos mis à disposition. Dans sa maîtrise à la fois de l’agencement magasin, de la mise en scène produit et dans les rituels de vente, Rituals est un cas d’école de recours aux sens dans le retail », estime Émilie Miquelestorena. 

DE NOUVELLES EXPÉRIENCES

À l’instar des concept-stores, l’idée est de proposer de la découverte aux clients, de l’emmener là où il ne s’y attend pas. C’est notamment le cas de la nouvelle adresse Merci, rue de Richelieu à Paris. Condensé de mode, de design, de culture et d’art de vivre, le magasin s’inspire des changements sociétaux plutôt que d’opter pour la saisonnalité des collections. Au programme, les lignes de linge de maison signées Merci côtoient les grandes marques de mode, d’arts de la table ou encore de bijoux mais aussi des expositions pointues. 

nnovant, Maisons du monde a présenté du 7 mai au 11 juin, à travers différentes villes d’Europe, sa collection printemps/été 2025 à bord d’une caravane Airstream transformée en showroom.

De son côté, Maisons du Monde, actuellement en repositionnement, retravaille sa raison d’être pour notamment remettre plus d’humain et de sensoriel sur ses lieux de vente. 

« La maison reste une valeur refuge forte même si la période est complexe. Depuis mon arrivée chez Maisons du monde en septembre 2023, nous nous attelons à redéployer les projets et les expériences pour faire voyager les clients, c’est l’ADN de notre marque, explique Guillaume Lesouef, directeur de la marque et de l’offre de Maisons du monde

Nous vendons des catégories de produits qui permettent d’exalter les sens, que ce soit l’art de la table qui s’adresse au goût, les textiles et les meubles qui font appel au toucher, les luminaires qui stimulent la vue ou encore les senteurs qui activent l’odorat. A nous de raconter des histoires qui mettent tous les sens en éveil. » 

 Et si l’enseigne retravaille chacun de ses magasins pour mieux se repositionner autour du voyage, elle est parallèlement partie en mai à la rencontre de ses clients via un roadtrip, baptisé tournée Tangerine, pour présenter en extérieur les collections printemps-été 2025 et proposer une nouvelle expérience. Musique d’ambiance,  diffusion d’une odeur à la fleur d’oranger, caravane Airstream aménagée pour poser le décor avec zone de détente présentant les collections, jeux concours et bar à jus… Maisons du monde mise sur une nouvelle approche sensorielle pour (re)séduire le grand public sur un marché de la déco chahuté. 

« Toutes nos équipes sont impliquées dans cette opération, souligne Guillaume Lesouef. L’idée est d’apprendre de nos clients en allant à leur rencontre, mais aussi de les surprendre. » Résultat, l’opération (du 7 mai au 14 juin) a débuté sur le parvis de la Défense à Paris et s’est poursuivie à Nice, Marseille, Perpignan et Barcelone pour s’achever à Bordeaux. Une deuxième édition est d’ores et déjà en préparation. Une expérience toujours plus fluide et inspirante, c’est également l’orientation d’Alinea qui a repris 19 magasins Zôdio et se relance. 

Le diffuseur Vallebelle permet d’immerger les clients d’un lieu de vente grâce à une odeur personnalisée ou en choisissant parmi un catalogue existant. 

« En ce moment même, nous sommes en pleine transformation de notre merchandising. L’objectif est de créer un parcours client plus logique et intuitif, confie Nicolas Giraud, chef de groupe merchandising au sein de l’enseigne. Ainsi, nos clients découvriront prochainement un nouvel espace dédié au home office directement dans la continuité de nos univers salon et pièce de vie. Ils y trouveront une large sélection de bureaux, de bouts de canapé pratiques, ainsi qu’une belle offre de cadres photos et de miroirs pour personnaliser et aménager leur espace de travail à domicile. 

Parallèlement, nous repensons complètement notre espace décoration situé en fin de parcours. Nous y intégrons désormais l’ensemble de notre offre de textile jour (coussins, plaids, rideaux, etc.). 

Cette évolution vise à offrir à nos clients une véritable invitation à se projeter dans l’accessoirisation et la finalisation de leurs différentes pièces de vie, en proposant un mix and match inspirant de nos collections. » En parallèle, l’enseigne a instauré des ateliers culinaires et créatifs. Pour faire vivre ceux-ci, les rayons épicerie/culinaire et de décoration ont été renforcés pour faire écho à la partie “do it yourself” de l’atelier créatif.

CRÉER UN SOUVENIR OLFACTIF

A Marseille, Sessùn Alma marie mode, artisanat, librairie et petite cantine dans son point de vente.

Enfin, et si dans un monde de plus en plus digital, le magasin physique suscitait l’émotion grâce à l’odorat ? « C’est une carte intéressante à jouer à condition d’avoir le bon partenaire professionnel, et surtout une belle piste à explorer selon son positionnement », confirme Émilie Miquelestorena (Another Retail). 

Positionné sur ce créneau depuis 10 ans maintenant, l’entreprise Vallebelle au Pays basque, outre ses brumes et parfums d’ambiance personnalisés, propose des diffuseurs avec des cartouches modulables. « La personnalisation occupe une place de plus en plus importante dans le retail et l’hôtellerie, explique Léonie Beristain, business development manager de Vallebelle. 

Nos clients nous le confirment, le diffuseur fait vendre et fidélise la clientèle. » Marques de mode, de lifestyle ou de linge de maison (Arsènes et les Pipelettes, Pyrenex, 64, Couleur Chanvre), et hôtels (l’Hôtel de la Plage à Cap-Ferret, La Guitoune au Pilat, l’Hôtel de Biarritz, la Villa Seren à Hossegor ou encore l’Aire de Bardenas, boutique-hôtel minimaliste au cœur du désert des Bardenas, en Espagne), tous confirment que le diffuseur rend la vente dix fois plus facile et, presque à chaque fois, le client achète la brume personnalisée en vente sur place comme un souvenir olfactif d’une visite qui lui a plu. « Même si nous sommes une petite entreprise, nous faisons partie des pionniers sur ce marché. Celui-ci s’est densifié mais nous restons l’un des rares acteurs français, cela nous amène beaucoup de partenaires », poursuit-elle.  

Après Maison&Objet, Vallebelle sera présente sur le prochain Who’s Next en septembre. Celle-ci, qui fête ses 10 ans cette année, est à un tournant de son développement. D’ici un an, la marque intégrera sa production sur son site à Biarritz et retravaillera son concept. Léonie Beristain l’assure : « Le marketing olfactif a un pouvoir énorme sur notre cerveau, il immerge automatiquement le client ou le visiteur dans une ambiance. Il peut être la clef de voûte d’un concept pour vendre davantage et fidéliser rien qu’en entrant et en respirant. » 

Beaucoup de marques l’ont compris et font appel à un merchandiser devenu le nouveau directeur artistique d’un lieu. « Plus que jamais, le responsable du merchandising est le nouveau chef d’orchestre, conclut Constance Le Nay. C’est à lui que revient le rôle d’établir une expérience à 360 degrés avec une playlist, une odeur, voire une vidéo qui projette un savoir-faire ou l’ADN d’une marque. Mais par-dessus tout, le client devra se sentir à l’aise pour mieux déambuler et être autonome dans l’espace. »  

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Duralex ouvre son café 

Nouvelle expérience pour la marque spécialiste du verre trempé. Depuis le 16 mai, Duralex a ouvert son café à Paris au sein de L’Épicerie de Loïc.B (7, rue Sedaine, XIe ) pour proposer aux clients une expérience inédite autour de sa célèbre verrerie. 

Parti d’une rencontre entre François Marciano (président de Duralex Scop SA), Vincent Vallin (directeur développement et stratégie de Duralex Scop SA) et Loïc Ballet (gérant des lieux), le lieu, à la fois boutique et comptoir, propose de prendre un café, d’acheter des produits d’épicerie fine, mais aussi une sélection de produits Duralex (dont les incontournables Picardie, Gigogne, Versailles, etc.) et la possibilité de composer son pack de verres colorés parmi une palette de couleurs. Sur place, de belles photos, des cadres font un rappel de l’histoire de la marque ou montrent la production. En vente également des vestes et tee-shirts dérivés logotypés Duralex.

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