Dossier

L'art de la table et l'art culinaire à l'ère de l'omnicanal

07 mai 2020
Par : Thierry VILLOTTE

A l’heure où le consommateur utilise les différents canaux à sa disposition pour réaliser ses achats, le parcours client et la transition omnicanale sont des sujets clés pour la filière. L’action collective est notamment en mesure d’accompagner cette évolution dans le respect de l’indépendance des marques et des détaillants.

Au cours de ces dernières années, et à une vitesse vertigineuse, le digital a bousculé les modes de vente dans tous les domaines de la distribution. Dans un premier temps s’est développé le “multicanal” : des sites internet marchands se développent, en parallèle des réseaux physiques. Certaines enseignes ont amélioré la fluidité entre digital et physique, créant une expérience “cross-canal”. Puis est apparu “l’omnicanal” : le consommateur utilise soit successivement, soit simultanément les différents canaux créés par une marque ou une enseigne dans son parcours de client : site web, application, point de vente physique, email, SMS, réseaux sociaux... 

Un omniconsommateur qui veut tout à la fois : prendre une info sur les réseaux sociaux, essayer le produit en magasin, se faire livrer à domicile ou encore bénéficier de l’ensemble des fonctionnalités du web, mais en point de vente.

Où en est la distribution d’art de la table et d’articles culinaires dans cette évolution ? 

Force est de constater que, malgré différentes expériences, notre profession a pris bien du retard. Les raisons sont multiples, mais tiennent en particulier au fait que la filière est constituée d’un exceptionnel réseau de TPE/PME. 

Ce réseau est une richesse, en raison d’un professionnalisme non discutable, mais c’est également une faiblesse. Une faiblesse, car les moyens humains et financiers sont limités. Et une faiblesse car la grande diversité rend difficile la mise en place de solutions omnicanales. En effet, une grande enseigne nationale peut relativement facilement mettre en place une expérience omnicanale car elle peut maîtriser tous les éléments. C’est quasiment impossible pour un détaillant indépendant ou pour un petit fabricant.

Il est pourtant grand temps de coller aux pratiques des consommateurs. L’œil rivé sur leur smartphone, tablette ou ordinateur, ces derniers cherchent l’information, le produit, dans des parcours qui mixent internet et point de vente physique. Le magasin peut-être source d’inspiration, inspiration complétée par le web (sites de déco, Instagram, blogs d’influenceuses, etc.). 

Dès lors se pose la question : comment rendre cette expérience consommateur fluide afin de capter au mieux l’envie, et ainsi optimiser le chiffre d’affaires pour la distribution traditionnelle ? Comment faire en sorte que le consommateur ne se retrouve pas face à de gigantesques market places qui vendent sans âme des produits d’art de la table provenant du monde entier ?

L’action collective doit apporter des solutions. 

Respectant l’indépendance de tous, elle doit fournir des outils qui permettent au client de vivre une expérience omnicanale reposant sur la diversité des points de vente et des marques. C’est à cela que se sont attelés conjointement la Confédération des Arts de la Table et Francéclat. C’est ainsi qu’est né le projet de plateforme des arts de la table et des articles culinaires. Ce projet ambitieux se mettra en place en plusieurs phases. 

Dans une première phase, cet écosystème doit fournir de l’information, pour donner envie aux internautes. Différentes techniques sont prévues : réseaux sociaux, blog, partenariats, sites internet informatifs dédiés, etc. Cet écosystème doit entraîner l’internaute vers la plateforme elle-même dont l’objet est de présenter la très grande diversité de l’offre française d’art de la table, d’articles culinaires, de linge de table et de décoration de table. 

Diversité stylistique, de positionnement prix, des matériaux, etc. L’internaute intéressé par un produit est alors dirigé vers la boutique la plus proche de chez lui qui commercialise celui-ci. 

A charge pour la boutique de réaliser la vente et toutes celles additionnelles qu’elle peut. Pour optimiser ces ventes additionnelles, les conseillers de vente jouent un rôle clé. 

C’est en effet la richesse du conseil qui permet de susciter des envies complémentaires et par là même optimiser le chiffre d’affaires. C’est la raison pour laquelle la Confédération des Arts de la Table est en cours de développement d’un programme de formation en e-learning du personnel de vente. 

Celui-ci a en outre comme objectif de valoriser le personnel et le fidéliser en l’aidant à gravir les échelles de la convention collective.

Cette première phase du projet permet en outre de collecter de très nombreuses “data”, cet or de l’ère internet. Ainsi, un détaillant peut récupérer de manière simple l’ensemble des caractéristiques d’un produit, y compris ses photos ou vidéos, de manière à les publier sur son site web, sur sa page Facebook, ou toute autre utilisation. De même, les données des internautes recueillies sur la plateforme seront transmises à la boutique concernée (dans le respect du RGPD), à charge pour elle ensuite de fidéliser ce client par les moyens usuels (newsletter, SMS, etc.).

Enfin, dans cette première phase, les boutiques qui le souhaitent disposeront sur tout type d’écran (ordinateur, tablette, etc.) du descriptif de tous les produits des fabricants avec lesquels elles travaillent. Adieu les catalogues papier, rangés sous la caisse, à l’information par nature incomplète, et peut-être obsolète. Vive une présentation digitale et complète des produits, avec des photos et des vidéos à l’appui.

Dans les phases ultérieures, la plateforme pourra s’enrichir de fonctions supplémentaires, qui restent à inventer. Des pistes sérieuses devront être creusées : comment capter l’envie du client d’un restaurant pour une assiette dans laquelle il vient de dîner, en s’appuyant sur le réseau des boutiques ? comment gérer une offre de reprise de produits usagés tout au long de l’année ? L’imagination reste au pouvoir pour cette deuxième phase.

Ce projet repose sur trois constats : 

> le consommateur est info-boulimique. Informons-le et prenons-le par la main pour l’amener vers la plateforme afin de lui présenter une offre large ; 

> la plateforme n’aura jamais les moyens financiers nécessaires pour lutter contre Amazon. Elle doit donc se différencier en s’appuyant sur le savoir-faire, sur le professionnalisme des conseillers de vente dans les boutiques. Les produits d’art de la table et d’articles culinaires ne sont pas anodins. Ils correspondent à des techniques de cuisson, ils font appel à des talents de décorateurs, ils ont une histoire… Qui mieux qu’un conseiller de vente bien formé est capable de véhiculer tout cela ? Qui mieux qu’un conseiller de vente peut expliquer que dresser une belle table, même au quotidien, c’est dire à ceux avec qui on partage un repas qu’ils ont de l’importance à nos yeux ? 

> Le succès de la distribution passe par les marques. Le succès de celles-ci passe par la distribution. Le consommateur n’a jamais bénéficié d’une offre d’art de la table et d’articles culinaires aussi large, diffusée dans un nombre de point de vente aussi important. La distribution traditionnelle, celle qui fait reposer sa raison d’être sur le conseil a là une carte à jouer.

Aborder le virage de l’omnicanal n’est pas une mince affaire ! 

Au-delà des outils tels que la plateforme, ce virage nécessite d’investir un peu de temps. Or, on sait combien est rare le temps dans une TPE ou une PME. Tout le monde est au four et au moulin. Ainsi, l’accompagnement des boutiques et des petits fabricants pour négocier ce virage de l’omnicanal est une clef de succès. 

L’accompagnement doit être déployé pour adopter la plateforme. Mais cela ne peut pas s’arrêter là. La plateforme a pour but de faire franchir le pas de la porte à de nouveaux consommateurs. Encore faut-il ensuite les fidéliser. Là aussi, le collectif peut apporter des outils et de l’accompagnement, mais fondamentalement cela est du ressort de la boutique : phoning, emailing, campagnes de SMS, etc. 

Les techniques sont nombreuses. Encore faut-il les connaître et les maîtriser. 

A plus long terme, pour aller au bout du raisonnement de l’omnicanal, les distributeurs et les fabricants doivent évoluer pour être “consumer centric”. Ce sujet a longuement été évoqué le 30 septembre dernier lors du colloque organisé par la Confédération des Arts de la Table à Orléans. L’aboutissement de cette orientation-client est la relation de service, qui renvoie à une logique servicielle qui s’oppose à la logique produit. La boutique doit s’attacher à répondre à une problématique exposée par un client. La solution peut passer par une combinaison de vente de produits et de services. 

Ainsi, par exemple, un client qui verbalise sa problématique de la manière suivante : « J’ai un important dîner de travail à la maison avec mon patron. Je ne sais pas cuisiner et autant je suis fier de mes verres à déguster le vin, autant mes assiettes ne sont pas à la hauteur.» La boutique pourrait alors proposer de la location de vaisselle, de la vente, ainsi qu’une prestation de chef à domicile. Là aussi, le digital doit permettre d’ouvrir de nouveaux horizons. De nombreuses start-up ont développé des services complémentaires à l’activité des boutiques. La plateforme digitale collective peut les agréger et ainsi permettre à la boutique d’apporter une solution complète au client, à l’instar de ce que propose par exemple la filière du bricolage. 

Cela semble relever du domaine du rêve ? A nous tous de rendre ce rêve réalisable.

Partager ce contenu