Dossier

Du superflu à l’essentiel : la révolution sobre et responsable de l’emballage est-elle vraiment en marche ?

20 juin 2025

À l’heure où les législations française et européenne imposent aux fabricants et distributeurs un virage écoresponsable, la filière de l’art de la table et du culinaire se réinvente sous le signe de l’innovation durable. Entre choix de matières recyclées ou naturelles, optimisation des volumes d’emballage, suppression du plastique et relocalisation de la production, les acteurs rivalisent d’ingéniosité pour conjuguer esthétique, fonctionnalité et respect de l’environnement.

La transition vers un packaging responsable s’accélère, sous l’impulsion de la réglementation et des initiatives volontaires. La loi antigaspillage pour une économie circulaire (Agec) de 2020 structure l’essentiel des obligations nationales. 

Elle impose l’élimination progressive des plastiques à usage unique d’ici à 2040, avec un objectif intermédiaire de 20 % de réduction en 2025, dont la moitié via le réemploi, l’interdiction des emballages “inutiles”, renforcée par des sanctions (jusqu’à 100 000 € d’amende), mais aussi l’obligation de recyclabilité intégrale des emballages et l’intégration de 30 % de matières recyclées d’ici à 2030 pour les plastiques. 

L’Europe impose aussi sa réglementation. Adopté en février 2025, le Packaging and Packaging Waste Regulation (PPWR) a, entre autres, introduit une réduction de 15 % des déchets d’emballages d’ici à 2030 et 50 % de contenu recyclé dans les plastiques.

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VIRAGE 100 % RECYCLABLE CHEZ ARCOS

Arcos a entamé un plan de transformation de ses packagings dans le cadre d’une stratégie RSE élargie : désormais, 100 % des nouveaux emballages de la marque sont recyclables. En France, Arcos est membre d’Adelphe, l’éco-organisme dédié au secteur des emballages (filiale de Citeo), et s’inscrit également dans le système intégré de gestion Ecoembes en Espagne. 

« Aujourd’hui, une dizaine de gammes bénéficient d’un emballage nouvelle génération, avec un objectif clair : atteindre les 100 % d’ici fin 2026 » annonce Frédéric Moyon, directeur d’Arcos France. Cette démarche concerne l’ensemble des familles de produits et se décline en 3 concepts adaptés à chaque niveau de gamme : coffret carton premium avec fourreau coulissant doté d’un calage en PET recyclé ; un packaging intermédiaire (best choice) sous forme de coffret carton doté d’une fenêtre ajustée à la forme du couteau ; un format entré de gamme (basics) en carton thermoscellé, produit en interne grâce à un investissement industriel dédié. 

Des visuels HD en relief fidèles au produit pour les packagings fermés, et l’intégration du Clarifoil, un bioplastique recyclable, pour maintenir une fenêtre de visibilité, préservent l’expérience client en rayon. Car cette refonte s’inscrit dans celle de l’attractivité en magasin, avec de nouveaux outils de présentation – vitrines, présentoirs de comptoir – qui valorisent les produits tout en limitant leur manipulation. « Il s’agissait de proposer en magasin quelque chose de cohérent avec les enjeux écologiques, tout en améliorant la visibilité de la marque et sans perdre de vue les objectifs de vente. C’est une transition nécessaire, permettant d’avancer ensemble fabriquant – distributeurs – clients, vers un modèle plus durable », conclut Frédéric Moyon.

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DES ACTIONS PRÉCÉDANT LES INJONCTIONS LÉGALES

Au sein de la coutellerie Opinel, l’engagement dépasse la conformité dans une démarche d’amélioration continue. « Nous saluons les nouvelles réglementations. Elles sont contraignantes, mais utiles pour réduire la surconsommation d’emballages. Chacun doit participer à l’effort et toujours se remettre en cause et s’améliorer. La démarche écoresponsable est historiquement présente chez Opinel. Elle ne s’appelait pas ainsi avant, on parlait plutôt de “bon sens paysan”, économe en ressources et privilégiant des objets robustes, fonctionnels qui durent. C’est toujours prégnant dans nos réflexions stratégiques et dans nos actions au quotidien », témoigne Françoise Detroyat, directrice marketing et communication d’Opinel. 

Nouveauté chez Déglon, le mini Urban Case, un plumier rigide (440 x 140 x 72 mm) en polypropylène destiné aux professionnels du CHR pour le transport et le rangement de leurs couteaux, également proposé aux détaillants pour faire office de coffret cadeau, pour une solution réutilisable. Fourni avec 2 peignes pour immobiliser les couteaux. Compatible avec le lave-vaisselle. Contient 6 à 7 couteaux.

Le fabricant français d’ustensiles de cuisson Cristel pour sa part s’est engagé dans le packaging écoresponsable il y a plus de 25 ans. L’entreprise privilégie le carton kraft, imprimé en une seule couleur avec des encres écologiques, et utilise du papier certifié PEFC. 

« La garantie à vie des produits impose une cohérence : il serait contradictoire d’emballer un produit durable dans un packaging polluant ou surdimensionné, fait valoir Damien Dodane, directeur général délégué de Cristel. Cette logique irrigue toute la stratégie de Cristel. » 

De même, Le Jacquard Français inscrit naturellement son engagement dans le packaging écoresponsable dans la continuité d’une démarche d’écoconception déjà profondément ancrée. « Nous avons beaucoup investi dans l’écoconception ces dernières années, c’est dans notre ADN. Nos tissus en jacquard génèrent très peu de déchets. 

En revanche, le volume de déchets d’emballages était considérable. Cela ne pouvait durer. Il est essentiel de contribuer à la préservation de notre planète, à notre échelle », explique Béatrice Brandt, directrice générale de Le Jacquard Français. Chez Little balance, l’approche écoresponsable dépasse aussi le packaging et s’inscrit dans une logique globale d’écoconception, intégrant l’utilisation de plastiques recyclés, la réparabilité des produits et la réduction de l’empreinte environnementale à toutes les étapes du cycle de vie. 

« Nos appareils fonctionnent sans pile, ce qui limite la production de déchets nocifs. Les accumulateurs intégrés sont remplaçables en fin de vie, ce qui prolonge la durée d’utilisation. Nous privilégions également les matériaux recyclés, et avons adopté le carton recyclé pour tous nos emballages », témoigne George MacGregor, directeur général de Little balance. 

Étui Ecosecure (modèle déposé) de Jean Dubost, conçu pour protéger les lames pour la vente en vrac. Fabrication dans le Puy-de-Dôme en carton kraft issue de forêts durablement gérées, imprimé avec des encres végétales. Le plus ? La reprise de la silhouette de la lame, de sa fonction et de sa dimension pour chaque référence.

La marque Beka partage les mêmes valeurs : « L’écoresponsabilité guide nos actions. Nous avons engagé une politique RSE ambitieuse, en étant précurseurs sur l’inox recyclé certifié. Il nous paraît aujourd’hui essentiel d’appliquer la même exigence à nos packagings, en veillant à la clarté des informations et à la réduction de leur impact environnemental », affirme Philippe Gelb, directeur général de Beka France. 

Marque allemande référente dans son domaine depuis 150 ans, le verrier Leonardo n’a pas, lui non plus, attendu les initiatives parlementaires ou gouvernementales. « Tant dans notre propre entreprise que dans les sites de production, nous adoptons une démarche d’amélioration continue. L’objectif est d’atteindre, dans tous les domaines liés à l’environnement, un niveau supérieur aux exigences légales. Concernant nos emballages, cela se traduit par l’utilisation volontaire d’emballages certifiés FSC, issus de sources responsables avérées », indique Patrick Volant, responsable des ventes régionales chez Leonardo. 

KRAFT CERTIFIÉ FSC, CARTON RECYCLÉ : STARS DE L’ÉCORESPONSABILITÉ

Le carton recyclé et le papier kraft s’imposent comme les matériaux phares d’une révolution vers des emballages plus durables. Fabriqués à partir de fibres naturelles ou recyclées, ils allient robustesse, flexibilité et faible empreinte carbone, tout en répondant à la demande croissante des consommateurs pour davantage de transparence. 

Cristel fait le lien entre la sobriété de ses emballages et durabilité de ses ustensiles de cuisson en privilégiant le papier certifié PEFC et le carton kraft, imprimé avec des encres écologiques.

« Nous avons fait le choix d’une démarche exigeante : à terme, tous nos packagings seront certifiés FSC, le label de référence garantissant une gestion responsable des forêts, annonce Philippe Gelb (Beka France). 

Ce choix s’accompagne d’encres adaptées et d’une conception qui préserve la visibilité, la lisibilité et la protection du produit, tout en limitant l’impact écologique. » 

Recyclable, biodégradable et compostable, le papier kraft, largement plébiscité, se distingue par sa résistance, sa polyvalence et son caractère écologique. 

Kiritsuke de la collection Densho, nouvelle gamme Kotai entièrement fabriquée au Japon, avec son emballage 0 plastique.  

Sa couleur brune naturelle réduit l’usage de produits chimiques. La certification FSC garantit, quant à elle, que le bois ou les fibres utilisées proviennent de forêts gérées de manière responsable. Opter pour un emballage en kraft certifié FSC est un engagement en faveur de la gestion durable des forêts et de la préservation de la biodiversité. Jean Dubost partage un défi similaire avec les étuis Ecosecure, « fabriqués en carton issu de forêts durablement gérées, souligne Benoît Bérot. 

Quand cela est possible, nous utilisons du carton recyclé, qui représente déjà 80 % de nos emballages. Cependant, pour un produit aussi petit, le carton recyclé est souvent plus fragile. Avec notre solution, nous garantissons donc une protection optimale, tout en restant vertueux sur le plan environnemental. » Chez Little balance, la priorité est claire : « Nous avons pris le parti de packagings en carton recyclé, avec l’objectif que tous nos produits en bénéficient à court terme », renchérit George MacGregor. 

RÉDUCTION DRASTIQUE DE L’EMBALLAGE, UN PAS CONCRET VERS LA DURABILITÉ

Au-delà du choix des matériaux, Little balance a fait du volume des packagings son second levier d’action environnementale. L’entreprise optimise en effet les dimensions de ses emballages pour réduire l’espace perdu et maximiser la quantité de produits transportés dans chaque conteneur. « Plus vous réduisez la dimension du packaging, plus vous mettez de produits dans un conteneur et moins l’impact carbone de chaque produit est important », rappelle George MacGregor. 

A l’occasion de ses 80 ans, la verrerie Duralex a développé un verre doté d’un poinçon spécifique et développé un packaging dédié en kraft imprimé en France, disponible en plusieurs formats.

Le PPWR (Packaging and Packaging Waste Regulation) cité plus haut encourage ce type d’innovation tout en pénalisant les retardataires via des amendes pouvant atteindre 4 % du chiffre d’affaires. Parallèlement, Little Balance a supprimé le plastique de protection dans 86 % de ses produits, le remplaçant par du papier de soie, ce qui a permis d’économiser 3 à 4 millions de sachets plastiques. Pour Cristel, le sachet plastique reste le principal point noir. 

Damien Dodane explique : « Nous avons étudié de nombreuses options : le papier et le carton rayent, le papier de soie, en plus d’être coûteux, se déchire... » 

Toutefois, Cristel vient d’opérer un tournant logistique : grâce à un nouveau système, les produits seront désormais stockés directement dans les boîtes en carton, ce qui permettra de supprimer une grande partie du plastique de protection. Cette démarche illustre la conviction partagée par ces acteurs : l’écoresponsabilité en packaging ne se joue pas uniquement sur la matière utilisée, mais aussi sur l’intelligence de la conception et la maîtrise de toute la chaîne logistique. En d’autres termes, les défis sont nombreux.

TROUVER LE JUSTE ÉQUILIBRE 

L’emballage joue un rôle multifonctionnel essentiel : séduire le consommateur, protéger le produit, transmettre des informations claires, tout en valorisant la marque dans un environnement concurrentiel et en respectant la réglementation. Trouver le juste équilibre entre marketing, robustesse, sécurité et écoresponsabilité constitue un défi pour les fabricants. 

Matériaux robustes (acier inoxydable, bois) et emballage 0 plastique pour le nouveau couteau pliant d’Opinel, Néo 6.

« Aujourd’hui, la plupart de nos produits sont simplement présentés avec un bandeau en papier recyclable, blanc, sans encre minérale, seulement avec un peu d’encre végétale. Nous avons choisi ce matériau pour qu’il reste élégant et en accord avec l’image de la marque, tout en étant respectueux de l’environnement », illustre par exemple Béatrice Brandt (Le Jacquard Français). 

Chez Beka, la robustesse reste prioritaire. « Nous avons testé des supports de communication à planter, mais pour le packaging de nos produits, ce type de matériau n’offrait pas une protection suffisante, notamment pour nos articles fragiles. Notre priorité reste que le produit arrive intact chez le consommateur, d’autant plus que nous faisons aussi du e-commerce », justifie Philippe Gelb. 

La question de la protection touche aussi la sécurité du consommateur, notamment dans la coutellerie, comme l’explique Benoît Berot, directeur commercial & marketing de Jean Dubost : 

« Nos étuis Ecosecure sont conçus pour assurer la sécurité des consommateurs en magasin, éviter que les produits ne s’abîment, tout en faisant progresser nos engagements en matière d’écoconception. Cet emballage a rencontré un franc succès auprès de nos clients distributeurs, car il coche toutes les cases en termes de responsabilité environnementale. » 

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KOTAI : UN EMBALLAGE QUI PROLONGE L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR

Chez Kotai, la suppression du plastique des emballages, loin d’être une contrainte, est une opportunité. « Les boîtes des collections Pakka et Bunka, fabriquées en bambou issu de sources renouvelables, allient esthétique, fonctionnalité et respect de l’environnement. Celles de nos autres gammes telles que Hashi et Densho sont conçues en papier recyclé et recyclable, certifié FSC, garantissant une gestion responsable des ressources forestières », égrène Jeremie Plane, fondateur de Kotai. 

De même, les protège-lames saya sont également en bambou. Les sleeves en carton illustré sont aussi un élément clé du design de la marque. Après les œuvres de Hokusai sur les packagings des gammes Pakka et Bunka, c’est au tour des artisans d’être mis à l’honneur : les illustrations des sleeves en papier et carton de la collection Densho (« héritage » en japonais) les représentent en train de forger des lames dans la tradition de la ville de Seki. 

Pour la nouvelle série Tsubame dont le nom signifie « hirondelle », c’est naturellement cet oiseau qui a été choisi pour les sleeves qui, placés côte à côte, révèlent une scène complète d’hirondelles en vol entourées de feuillage.

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UN INVESTISSEMENT À COMPENSER PAR LA PERFORMANCE COMMERCIALE   

Les coûts de production plus élevés liés aux matériaux durables, aux technologies innovantes, ainsi qu’aux investissements en recherche, développement et adaptation industrielle, font souvent peser un surcoût important sur les entreprises. 

Philippe Gelb (Beka France) souligne cet enjeu : « Adopter un packaging écoresponsable implique souvent un coût supplémentaire, mais notre objectif est que ce surcoût soit compensé, voire annulé, par l’augmentation des ventes générée. » 

Pour Françoise Detroyat (Opinel), la situation est plus nuancée : « Tous les fabricants européens sont concernés, impactés. Le changement de packaging a certes un coût, mais il tend souvent vers des solutions plus économes, avec moins de matière et des finitions d’impression moins coûteuses. » 

Jean Dubost en est un exemple concret avec ses étuis en carton durable : « L’introduction des étuis Ecosecure en carton durable issu de forêts gérées durablement a non seulement un impact environnemental positif, mais aussi commercial avec une hausse des ventes unitaires de 15 %, témoigne Benoît Bérot. Cela renforce également nos engagements RSE avec 92 % de nos packagings sans plastiques. » 

Nouveau packaging Friedr. Dick en carton durable, 0 plastique, avec une fenêtre de visualisation en film organique compostable à base de pâte de bois. Il associe sécurité (fixation aimantée, film protecteur, fermeture inviolable) et design soigné mettant en valeur la lame et le manche du couteau. Un choix qui permet à l’entreprise d’économiser 7 t de plastique par an par rapport à ses packagings précédent et de renforcer l’image écoresponsable de la marque.

Aussi, nombreux sont ceux qui estiment que le retour sur investissement ne se mesure plus seulement en termes financiers, mais aussi en image de marque, fidélisation client et alignement avec les attentes sociétales. Par ailleurs, la stratégie des “petits pas” permet aux entreprises de supporter la transition vers des packagings écoresponsables, ainsi que le souligne Philippe Gelb (Beka France) : « Notre priorité aujourd’hui est d’uniformiser nos packagings écoresponsables sur l’ensemble de nos gammes. Le packaging et l’environnement resteront au cœur de nos priorités pour l’année à venir. » 

Cette démarche graduelle est d’autant plus nécessaire que la loi Agec impose des échéances strictes cette année, notamment l’obligation que 100 % des emballages soient recyclables, ainsi qu’une réduction de 20 % des emballages plastiques à usage unique, dont la moitié via le réemploi. Elle impose par ailleurs la réduction du plastique à usage unique, l’intégration de matériaux recyclés et la transparence sur la recyclabilité des emballages. 

Les mentions obligatoires – logo Triman, info-tri, caractéristiques environnementales – doivent figurer sur les packagings ou être clairement relayées en magasin. Et gare à ceux qui voudraient tricher puisqu’elle introduit aussi une interdiction des mentions trompeuses (“biodégradable”, “respectueux de l’environnement”) sur les emballages non certifiés. 

La formation des équipes de vente à ces nouvelles obligations permet de répondre précisément aux interrogations des clients. Une signalétique claire, des argumentaires adaptés et une information accessible sur le tri et le recyclage renforcent la crédibilité de la démarche. Et pour cause, en devenant un relais pédagogique, le commerçant transforme l’interaction en opportunité de valoriser le choix écoresponsable et d’accompagner le consommateur vers des pratiques plus durables.

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PACKAGING CONNECTÉ ET LIEN ÉMOTIONNEL

La start-up Ary, spécialisée dans les solutions de réalité augmentée, a mis au point la M’Ary card qui transforme l’emballage en expérience interactive. Celle-ci permet en effet de créer une expérience d’unboxing personnalisée en associant une vidéo, fiche technique, descriptif détaillé ou message personnalisé à une carte livrée avec un produit. Adaptée à un large champ d’application (cosmétique avec des tutoriels d’utilisation ; alimentation avec des recettes ; envoi de cadeaux), elle permet en outre l’envoi d’un message personnalisé.

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Pour saisir les enjeux, des acteurs tels que Citeo, éco-organisme français de référence créé pour réduire l’impact environnemental des emballages et des papiers issus de la grande consommation et de la distribution, organise régulièrement des webinaires sur ces thèmes. 

UNE ATTENTE PORTÉE PAR UNE CLIENTÈLE INFORMÉE

Pour une part significative de la clientèle, le packaging traditionnel n’est pas perçu comme indispensable à l’expérience d’achat ou à la valeur du produit, sauf lorsqu’il s’agit d’un cadeau. « Nos clients finaux nous demandent rarement que les produits soient présentés sous boîte. Cela montre bien que l’attente réelle porte davantage sur la qualité du produit que sur son packaging, et nous conforte dans notre démarche de réduction des emballages superflus », témoigne Béatrice Brandt. 

Afin de proposer un packaging cohérent avec ses valeurs, la coutellerie rochelaise Farol a supprimé le carton de ses emballages et s’est associé avec Voilerie Klein afin de valoriser les chutes liées à la découpe des toiles marines.

Tous les acteurs interrogés s’accordent à dire que la dynamique autour des emballages durables reste largement portée par une clientèle informée, souvent urbaine, tandis que les distributeurs ne jouent pas encore pleinement leur rôle de moteur dans cette transition. 

Pourtant, leur implication est cruciale à double titre : au-delà du choix des fabricants, le commerçant joue un rôle décisif dans l’intégration des nouvelles pratiques écoresponsables à l’expérience client. 

En valorisant les produits à emballage réduit ou sans packaging, il transforme la contrainte réglementaire en véritable argument de vente. Cette responsabilité devient d’autant plus stratégique avec l’entrée en vigueur du décret EMBPRO (2025) qui étend la responsabilité élargie des producteurs (REP) aux emballages professionnels (B2B). 

Leonardo fait le choix d’emballages certifiés FSC. Ici, set à espresso Gocce, présenté en coffret de 3 verres accompagné de dessous de verre en liège. Prix public : 19,95 €.

Concrètement, les metteurs sur marché doivent désormais organiser le tri et le recyclage des emballages industriels/commerciaux et atteindre 6% de réemploi depuis 2024 pour les entreprises de plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, taux devant grimper à 10 % d’ici 2027. 

Les acteurs de l’art de la table peuvent développer des partenariats avec des éco-organismes spécialisés comme Citeo Pro (agréé pour les emballages professionnels), 

mais certains points de vente vont plus loin en créant des corners dédiés aux produits sans emballage ou en vrac, invitant les clients à adopter de nouveaux gestes de consommation. 

La mise en place de systèmes de reprise et de recyclage en boutique – pour les emballages ou les appareils en fin de vie – constitue également un service apprécié qui renforce l’image responsable du magasin. 

Ces démarches, visibles et concrètes, permettent de fidéliser une clientèle de plus en plus sensible à l’impact environnemental de ses achats, tout en différenciant l’enseigne dans un univers concurrentiel. 

« Le rôle de la PLV est primordial dans les points de vente et elle va devenir un véritable support aussi pour se différencier. Si votre PLV est aussi recyclable et réutilisable, ça devient intéressant. L’idée c’est qu’un détaillant puisse mettre en avant que les couteaux fabriqués par Jean Dubost ont un packaging Ecosecure en carton recyclé avec un QR code », ajoute Florian Delpierre, président de Shop ! France. 

Chez Beka France, l’investissement dans des packagings écoresponsables commence à porter ses fruits. Philippe Gelb analyse : « Oui, ce sont des attentes très fortes, que nous avons clairement constatées avec notre gamme Cicla en inox recyclé. Le rapport qualité-prix, l’esthétique et l’efficacité restent essentiels : ce sont les fondamentaux. Mais lorsque ces basiques sont réunis et que l’on y ajoute une dimension environnementale forte, le succès est au rendez-vous. » 

LA DIFFICULTÉ DES CANAUX DIFFÉRENCIÉS

Certains acteurs opèrent sur plusieurs canaux (boutiques, grands magasins, e-commerce, revendeurs) et à l’international où les attentes en matière de packaging varient fortement. Certains marchés restent attachés à un packaging haut de gamme, voire imposent le maintien de la boîte pour des raisons d’image ou de culture produit, quand d’autres valorisent la réduction des emballages. 

Little balance a remplacé par du carton et du papier les sacs plastiques et les cales en polystyrène des packagings de ses balances. Une démarche mise en évidence avec un logo en forme de tortue, un animal qui symbolise depuis quelques années la pollution plastique des océans. Un élément marketing qui contribue à une sensibilisation générale vis-à-vis du zéro plastique. 

Ces variations obligent l’entreprise à gérer une logistique complexe, avec des stocks différenciés selon les marchés, ce qui a un impact sur les coûts unitaires et l’organisation. 

Damien Dodane (Cristel) partage ce constat : « C’est en Asie, hors Japon, que nous rencontrons le plus de réticences face à notre choix d’emballages écoresponsables. Pour beaucoup de consommateurs asiatiques, nos produits sont perçus comme des cadeaux : ils attendent un packaging qui reflète la valeur et le prix du produit. 

Les Japonais, eux, ont parfaitement compris et accepté notre démarche. Malgré ces attentes, nous restons fidèles à notre politique environnementale. Ce choix demande un vrai effort d’explication : un client habitué au luxe s’attend à un emballage spectaculaire. Avec Cristel, il faut expliquer la cohérence entre notre emballage sobre et la durabilité de nos produits. » 

Le moment du cadeau cristallise le dilemme entre élégance et écoresponsabilité. Pour répondre à cette attente, de plus en plus de commerçants proposent des emballages cadeaux sobres, réutilisables ou compostables, misant sur le raffinement du “less is more”. Cette sobriété, loin de nuire à l’expérience, confère au geste d’offrir une dimension contemporaine et responsable. 

Mettre en avant l’histoire du produit, sa fabrication locale ou son emballage durable permet d’ajouter du sens à l’acte d’offrir, tout en évitant la surconsommation d’emballages jetables. En accompagnant le client dans cette démarche, le commerçant valorise une nouvelle forme d’élégance : celle d’un cadeau pensé pour durer, respectueux de l’environnement et porteur de valeurs partagées. 

Heureusement, loin d’être synonyme de renoncement, la sobriété tend à s’imposer désormais comme la nouvelle grammaire de l’élégance dans le secteur de l’emballage. Ce changement de paradigme, porté à la fois par la législation et par une clientèle de plus en plus informée, consacre l’avènement d’un packaging épuré, pensé pour durer et respectueux de l’environnement. 

Après s’être engagé dans une démarche en faveur de l’inox recyclé certifié, Beka applique la même exigence à ses packagings, avec l’objectif proposer 100 % de solutions certifiées FSC.

Désormais, la simplicité des formes, le choix de matériaux durables et la transparence sur l’impact environnemental deviennent autant de signes distinctifs d’un produit premium, où l’esthétique s’allie à la responsabilité. 

Damien Dodane souligne d’ailleurs un changement de paradigme dans le secteur du luxe : « On passe d’un emballage opulent, vecteur d’émotion, à un packaging épuré, porteur de valeurs environnementales et de responsabilité. Le packaging reste un support média, mais la sobriété exige plus de précision et de réflexion sur la qualité et la communication. » 

Une vision partagée par Françoise Detroyat (Opinel) : « Aujourd’hui un positionnement premium peut se conjuguer avec la simplicité et la sobriété. Des emballages simples peuvent être élégants et attractifs. De plus en plus de consommateurs sont sensibles à cette économie de ressources. » 

 

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