Dans le cadre de son plan stratégique Inspire Everyday présenté début 2024, Maisons du Monde lance s
Levier encore méconnu qui permet d’acquérir des clients et de fidéliser, le cashback voit sa notoriété s’amplifier et revêt aujourd’hui un potentiel de croissance important. Explications avec Thomas Sauzedde, directeur général de Poulpeo (Ziff Media Group) et membre du Syndicat national du marketing à la performance (SNMP) qui regroupe les principaux acteurs du cashback.
Offrir International : Quelle est la différence entre le cashback et l’offre promotionnelle ?
Thomas Sauzedde : L’offre promotionnelle est une remise immédiate, avec un prix de vente réduit du fait du détaillant ou via une remise fidélité ou un code promotionnel online. Tandis que le cashback est un retour d’argent a posteriori : une fois la commande réalisée, un pourcentage de son montant hors taxe est ensuite remboursé à l’utilisateur via une cagnotte.
Ces deux techniques commerciales sont complémentaires, le cashback étant cumulable avec les promotions ou les soldes. La plupart des enseignes jouent sur ces 2 tableaux, dans la mesure où l’un et l’autre ne revêtent pas le même niveau d’attractivité et ne répondent pas aux mêmes besoins. La promotion capte l’attention des utilisateurs en recherche d’un prix mais elle a ses limites car le client peut se dire que le commerçant a baissé artificiellement son tarif. Le cashback est un vrai retour d’argent sur le prix de vente : le client qui achète un produit non remisé se verra de toute façon rembourser un pourcentage.
Le cashback, c’est quoi ?
Généralement mise en œuvre dans l’e-commerce, cette technique commerciale permet de mettre en place une remise post-achat, via un programme d’affiliation, chez des marchands partenaires. Cette rétro-commission consiste en un remboursement, généralement crédité sur une cagnotte personnelle sur le site du cashback : dans le cadre d’un partenariat, le site marchand redistribue au site cashback une commission dont une partie est reversée au client. Pour en bénéficier, le consommateur doit s’enregistrer sur un site de cashback (par exemple les pure players Poulpeo, iGraal ou eBuyClub, mais aussi certains programmes instaurés par les banques elles-mêmes telles que La Société générale), dans le cadre d’une adhésion gratuite ou payante. Plus qu’un bon plan en ligne, le cashback est une remise supplémentaire généralement comprise entre 1 et 10 % selon le marchand.
Quel est le taux de pénétration du cashback ?
L’enquête “Le cashback en France” Xerfi-MCI réalisée en 2019 mettait en évidence un taux de pénétration inférieur à 25 %. Le dispositif est clairement encore mal connu. Certes, entre 2019 et 2022, le taux d’usage de l’e-commerce et la part d’e-consommateurs ont été décuplés, confinements obligent. Dans cet intervalle, les acteurs du cashback ont vu également leur nombre de membres croître, avec une évolution de + 40 % chaque année depuis 3 ans. Le taux de pénétration reste pour autant insuffisant puisqu’il n’atteint pas 30 %. Ce ratio est resté relativement proche de celui de 2019 car si le nombre de cashbackeurs a considérablement augmenté en valeur absolue, le nombre total d’e-consommateurs aussi.
Quelle est la part de détaillants convertis au cashback ces trois dernières années ?
Nous avons observé beaucoup de tests, puis de pauses, puis de redémarrages des programmes au gré des périodes d’arrêt et de reprise de la consommation. Chaque événement tel que les confinements, le conflit en Ukraine, la reprise de l’inflation, s’est accompagné d’une interruption de la plupart des programmes. Depuis quatre mois, nous observons un retour massif au cashback des commerçants et des annonceurs. Nous voyons aussi arriver de nouveaux détaillants parce que ce levier est pertinent pour eux : il permet d’améliorer leur image de marque et de toucher des utilisateurs qu’ils n’adressaient pas.
Tous les acteurs sont un peu sur le même rythme : ils arrêtent la prise de parole en même temps et la reprennent simultanément : c’était particulièrement notable en septembre 2021 avec une énorme reprise de parole générale : il est alors difficile d’émerger durablement ou alors de façon très coûteuse, et c’est notamment le cas en fin d’année et en période de black Friday. Le levier cashback est intéressant en ceci qu’il permet de s’inscrire dans la durée et de payer l’abonnement à la stricte performance : le commerçant ne règle rien tant qu’il n’a pas de vente. A la différence d’une campagne publicitaire ou e-mailing, il n’y a aucun frais à moins de vouloir une visibilité additionnelle.
Les services cashback tels que Poulpeo, iGraal ou eBuyClub proposent aux clients en affinité avec la thématique de votre univers de découvrir votre marque. C’est donc une aubaine pour toucher de nouveaux utilisateurs car cela ne coute pas plus que le pourcentage de commission sur lequel le commerçant et le site de cashback se sont accordés au préalable.
Cette solution est-elle pertinente pour tout type de commerce ?
15 % environ de nos partenaires sont des entreprises de moins de 50 salariés. Nous travaillons avec un nombre croissant de “petits” e-commerçants souhaitant mettre en œuvre un service cashback. Dans ce cas de figure, soit le commerçant a une marque forte ou un positionnement unique – et les consommateurs s’intéressent à son offre –, soit il lui faut être particulièrement attractif sur la proposition de valeur, donc le taux de cashback. Il n’existe pas de recette magique : il est peu probable qu’un petit commerce fasse sa place au sein de l’écosystème cashback sans une proposition de valeur saillante et unique auprès des consommateurs.
Le commerçant a néanmoins la possibilité de mettre en place une opération “coup de poing” pour évaluer la réceptivité de l’audience. Il n’y a pas de formule établie, il faut tester ! Encore une fois, le risque est faible puisque le commerçant fixe, par rapport à son taux de marge, la commission qu’il est prêt à concéder au service cashback : il connait donc son coût à l’avance, à la différence d’une campagne de type Google Ads où les coûts peuvent s’emballer sans vente à la clé. Avec le cashback : pas de vente, pas de frais.
En termes de catégories de produits, les marques les plus représentées sont la mode et la beauté, suivies par le high-tech et l’électroménager, et bien entendu en mai juin les services de locations et les voyages. Depuis trois ans, ce sont chez les commerçants des secteurs maison et jardin que nous observons le plus de nouvelles adoptions.
Quid des profils d’utilisateurs ?
Le cashback adresse majoritairement les clients âgés de 25 à 55 ans, avec une surreprésentation de CSP+. A partir de 55 ans, et plus encore après 65 ans, le nombre décroît, ces consommateurs étant moins convertis à l’e-commerce. Qui dit achat cashback dit être connecté, avoir confiance dans l’achat en ligne et être dans une démarche de fréquence d’achat à l’année, puisque cela rapporte de petites sommes qui s’additionnent pour obtenir une cagnotte intéressante.
Le cashback est aussi possible pour le commerce physique. C’est plus technique, car cela fait intervenir les prestataires de l’open banking. Cela requiert donc un bon niveau de confiance du client qui adopte une démarche proactive d’identification via son compte bancaire. Via le partage sécurisé de certaines données bancaires, le service cashback identifie les transactions réalisées chez ses partenaires et reverse automatiquement le pourcentage dû au client. Cela concerne majoritairement la clientèle CSP+ très à l’aise avec les technologies.
Pour les achats en ligne, il suffit à l’utilisateur d’avoir activé le cashback : ni sa carte de paiement ni ses données bancaires ne sont référentes : la remise est créditée sur la cagnotte cashback du client qui est remboursé par virement.
Le cashback génère-t-il une hausse significative du panier moyen ?
C’est assez disparate selon les industries, mais globalement le cashback permet d’augmenter le panier moyen de 10 % environ. Mais ce chiffre est à interpréter avec prudence : le cashback n’est pas une garantie d’accroissement du panier moyen, car tout dépend du positionnement prix et de l’offre de l’annonceur. Plus de 45 % de nos annonceurs indiquent observer une hausse durable du panier, un phénomène à coupler avec l’augmentation du taux de transformation et la fréquence d’achat, autrement dit, fidéliser mieux dans la durée. La plupart des clients souhaitant bénéficier d’un cashback, ils se tournent vers la concurrence dès lors qu’il n’est plus proposé par une marque. Donc cette technique permet à l’enseigne d’avoir de la récurrence d’achat, et c’est encore plus vrai en BtoB, où les acheteurs y sont plus sensibles.
Le cashback est-il un critère dans la décision d’achat ?
L’enquête Xerfi-MCI indiquait en 2019 que c’est un critère décisif dans le choix de l’e-commerçant pour 55 % des adhérents à un programme de cashback gratuit. Chez Poulpeo, nous observons un nombre croissant de clients pour lesquels cela devient un critère absolu.
Une enseigne, a fortiori si elle propose des marques nationales, qui arrête son programme cashback voit ses clients partir à la concurrence car ils ont pris l’habitude de récupérer 3 ou 4 % sur leur commande… or, ils peuvent trouver des produits similaires ou identiques chez d’autres détaillants. En ce sens le cashback peut donc se révéler assez décisif.
Le meilleur des combos reste de s’adresser à une clientèle fidèle au service cashback et de proposer de la fidéliser avec une poursuite de l’offre de remise dans la durée. Vous obtenez ainsi des utilisateurs fidèles dans le temps qui savent qu’il y a toujours cette proposition de valeur. Certains commerçants proposent 3 à 5 % de cashback en permanence pour adresser les clients, aussi bien ceux aguerris au service, mais aussi les nouveaux dans une optique d’acquisition.
Comment fonctionne le système de commission sur une opération cashback ?
Le service cashback perçoit une commission dont il reverse 70 à 90 % au client final. Par exemple, si le détaillant donne 10 % de commission hors taxe à Poulpeo, ce dernier en reverse 70 % au client, donc 7 % de cashback pour ce dernier. Globalement, en dessous de 2 % l’offre n’est pas attractive, à moins d’avoir un panier moyen très important. Généralement, la commission est comprise entre 3 et 5 % voire 8 % selon la marge et les produits. L’important est la valeur perçue par le client : la remise doit être ressentie comme sonnante et trébuchante.
La méconnaissance de ce système explique pourquoi le taux de pénétration du cashback en France est encore insuffisant du côté des consommateurs chez qui la confiance dans ce service n’est pas totalement instaurée, ou qui tout simplement ne le connaissent pas. A nous, acteurs du cashback, de les rassurer et de les informer.
Pour le commerçant, c’est une opportunité à tester avec une prise de risque où les coûts sont maîtrisés : aller toucher, sur marché très concurrentiel, des cashbackeurs qui demandent que l’enseigne de leur choix le pratique. Par rapport à d’autres leviers promotionnels, le cashback ne dégrade pas l’image de marque puisque l’utilisateur achète à taux plein, avec une remise qui arrive ultérieurement. A l’image de marque s’ajoute donc la notion de générosité.
De plus, la cagnotte en euro n’est tributaire d’aucune enseigne. Le programme de fidélité lié à un détaillant est très performant mais comporte un coût : il faut que l’utilisateur ait déjà franchi le pas de votre porte, qu’il ait un affect pour votre marque, ait envie de s’engager avec elle, et ensuite souscrive (gratuitement ou non) au programme de fidélité de l’enseigne qui s’appliquera aux achats ultérieurs.
Les deux dispositifs peuvent tout à fait coexister, car il y aura toujours une frange de consommateurs qui ne veulent pas être absolument fidèles à une marque et encore moins un programme de fidélité client. Le cashback est un acte unitaire d’achat mais aussi un pourvoyeur d’affaires. Il est à envisager comme une capacité à gagner des parts de marché par rapport à la concurrence, en capitalisant sur les acteurs du cashback pour promouvoir gratuitement la marque. Ceux-ci ont en effet l’obligation de faire découvrir leurs partenaires pour gagner de l’argent. Ils sont donc promoteurs des détaillants en travaillant la performance. Soit nous n’y parvenons pas et c’est tant pis pour nous, soit nous réussissons et c’est gagnant-gagnant !