Dossier

Distribution : réenchanter la consommation

07 septembre 2020
Par : Samia Ouledcheikh

Après plusieurs semaines de fermeture, les boutiques françaises ont rouvert leurs portes sous le signe du renouveau et de l’inventivité. Car le confinement a fait émerger ou accéléré plusieurs tendances de consommation… voire généré de nouvelles façons de communiquer.

Livraison, produit, communication… Le confinement a impacté les attentes du consommateur. « Nous avons vu s’accélérer rapidement le recours au click & collect qui est un des éléments forts de ces dernières semaines, introduit Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos. De même, tout ce qui relève du paiement sans contact s’est développé. » Même si, précise-t-il, les commerçants ont souvent mis en place des initiatives, telles que la livraison à domicile, par instinct de survie pour compenser le manque de fréquentation des magasins. Le digital a en outre enregistré une nette accélération. « Des solutions ont été proposées pour animer les centres-villes et des plateformes mises en place, avec une efficacité pas toujours évidente », commente Emmanuel Le Roch. Et de souligner qu’il est nécessaire, en effet, de créer le réflexe, alors que le consommateur dispose déjà d’un certain nombre d’applications sur son smartphone. Les commerçants dont la stratégie reposait déjà sur le multicanal ont pu en observer le bénéfice. « Tandis que le restaurant et la boutique étaient fermés, l’e-commerce a été multiplié par 3 par rapport à notre routine, note Leïla Erdmann, fondatrice de La Maison Française. Cela a répondu à un besoin, et nous avons constaté la qualité de notre prestataire (Chronopost) y compris sur les produits frais, ce qui n’a pas été le cas de tous les commerçants. »


 Des projets accélérés 

Les réseaux Culinarion et Ambiance & Styles ont mis en place dès le 16 mars le chômage partiel pour toutes leurs équipes. « Pour une partie de la centrale aussi, tandis que l’autre partie a fait connaitre les aides et reports possibles, explique Delphine Collin, responsable communication et partenariats EK France. Autre conséquence directe, comme nous sommes une coopérative et jouons le rôle de centralisation des paiements, nous avons décidé d’arrêter les factures. » Le groupement a relancé le click & collect pour les adhérents qui le souhaitaient : les clients venaient en magasin, ou celui-ci livrait. « Le chiffre d’affaires a été multiplié par 4 sur le click & collect, même si c’est une faible part de l’activité, poursuit Delphine Collin. L’expérience a confirmé le groupe dans sa stratégie omnicanale. « Nous voulions développer le ship-from-store : une vingtaine de magasins l’ont lancé en juillet, note Delphine Collin. Face à la situation, leur envie est accrue. Nous avions validé le projet en 2019. Il n’y a désormais plus d’hésitation. » 


Réinventer le lien 

Pendant le confinement, Maison Fragile a pour sa part initié deux actions. D’abord, avec Le Reflet, un restaurant qui accompagne des personnes en situation de handicap. « A chaque vente, entre le 18 mars et le 18 mai, 100 % des bénéfices lui ont été reversés, explique Mary Castel, fondatrice. Parallèlement, comme nous avions du temps pour réfléchir environnement et économie, nous avons lancé un projet de concours qui démarrera en septembre : nous y invitons les designers à interpréter des objets, des formes, des usages en rapport avec le développement durable. » La période s’est en effet révélée propice à la réflexion : « Quand nous avons arrêté la production le 10 mars, nous nous sommes demandé comment rester en contact avec nos clients et nos followers sur les réseaux sociaux, etc., témoigne Martin Pietri, PDG des Émaux de Longwy, dont la marque voulait éviter l’écueil d’une démarche commerciale. La société a d’abord lancé le concours « Photographiez-vous avec votre Longwy » sur Facebook. « Nous avons vu qu’il y avait une réaction et que les gens étaient contents du lien. A Pâques, nous avons donc cherché une idée pour succéder au concours ». C’est ainsi qu’est née celle d’un coloriage sur la base d’un œuf, avec deux fonds : la fleur de pommier, décor traditionnel de Longwy, et la pivoine. « Cela a été un raz-demarée ! Nous avons reçu près de 600 dessins. » L’animation dont l’âge des participants oscillait de 2 à 91 ans a dépassé toutes les attentes. « Nous avons appris que cela avait fait l’objet d’animations dans des maisons de retraite et des écoles. Nous avons gagné 2 000 followers et notre communauté a dépassé les 10 000 membres », relate Martin Pietri. Au vu de ce succès, la marque a créé une catégorie enfant/adulte, et intégré une nouvelle offre : « Nous réalisons l’œuvre à partir du coloriage ; certains, particulièrement jolis, seront mis en boutique ». Le site internet de la marque a d’ailleurs réalisé la meilleure année de son histoire. Le confinement a aussi révélé de nouvelles attentes en termes de produits… « Notre offre a beaucoup émergé sur l’épicerie haut de gamme, note Leïla Erdmann qui compte développer ce secteur. Autre tendance observée dans les arts de la table : une forte poussée des objets et accessoires, les très beaux torchons, tabliers ou ustensiles : « Les consommateurs ont réinvesti pour leur cuisine. » Pendant les deux mois de confinement, les chaînes de télévision ont diffusé de nombreuses émissions culinaires, les gens ont cuisiné chez eux, et souhaitent se rééquiper. « Le nomade, l’alimentation saine et la pâtisserie plaisent particulièrement », conclut Delphine Collin qui espère, à l’image des autres acteurs du marché, que cet intérêt perdurera.

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