Dossier

''De merveilleux outils permettent d'entrer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale''

10 février 2021
Par : Sophie KOMAROFF

Fondée en 1882, la boutique spécialiste du cristal Vessière Cristaux basée à Baccarat a trouvé un second souffle en digitalisant son offre en 2015. Elle livre désormais des clients dans une quarantaine de pays. Explications avec Michaël Descoust, responsable de la relation client et de l’e-commerce chez Vessière Cristaux.

Offrir International :  Quand avez-vous commencé à digitaliser votre point de vente ? Par quoi avez-vous commencé ? Quels étaient alors vos objectifs ? 

 Michaël Descoust :  Nous avons commencé notre digitalisation il y a 5 ans. J’étais encore étudiant en 3e année de licence d’économie. Ce challenge était particulièrement stimulant ! Nous avons lancé notre site e-commerce avec la volonté d’offrir un véritable tour du monde de l’art verrier, tout en gardant un service client de grande qualité, l’ADN de notre maison familiale. Notre force est de proposer les produits des plus illustres cristalleries, mais aussi ceux de petits artisans verriers lorrains, en passant par les verres de Murano et de Bohême, sans oublier les productions mécaniques allemandes. 

Notre objectif premier était de compenser la perte de chiffre d’affaires occasionnée par le point de vente physique. L’enjeu était donc de première importance, la survie de l’entreprise en dépendait. À l’époque, je n’y connaissais absolument rien à l’univers du webmarketing. Et c’est souvent un frein à la digitalisation. Les petits commerçants n’osent pas se lancer car ils pensent que ce n’est pas pour eux ! Mais c’est totalement faux : on découvre un nouvel univers et la possibilité de toucher des milliers de clients à travers le monde. De merveilleux outils permettent de se réinventer, d’entrer dans une nouvelle aventure entrepreneuriale. Cela nécessite simplement de la volonté et de l’organisation. 

Un de mes rêves d’enfance était de voir l’entreprise familiale prospérer. Je ne pouvais ressentir qu’un pincement au cœur en voyant l’activité décroître et le centre-ville se vider en l’espace de quelques années. Je voulais rendre fiers mes ancêtres, je suis la 5e génération de l’entreprise et j’avais ce devoir de poursuivre l’aventure. Il fallait réagir au plus vite et revoir la stratégie. Aujourd’hui, j’ai réalisé l’un de mes rêves, et c’est fabuleux !


Quels investissements (temps, budget, formation) cette démarche a-t-elle requis ?


 Nous avons démarré ce projet avec un développeur en freelance avec lequel je travaille toujours. L’investissement initial était aux alentours de 3 000 à 4 000 €. Le plus important, ce n’est pas l’outil que vous utilisez pour votre transformation numérique, mais la stratégie, la vision globale de votre entreprise. Et celle-ci est à construire en amont. Je ne peux que recommander de bâtir une plateforme de marque qui définira les fondations et la vision de votre société. La formation de Pauline Laigneau (Le Gratin) à ce sujet est l’un de mes podcasts préférés ! Concernant l’activité retail, posséder un site est une chose, avoir des visiteurs en est une autre ! Je me suis donc spécialisé dans le SEO, l’optimisation des résultats dans les moteurs de recherche, les fondations de notre réussite. La clef qui a fonctionné pour nous, c’est la stratégie de contenu : Content is King! Le commerçant, en tant qu’expert de son domaine, doit partager sa “passion” à travers des articles bien construits qui répondent à une requête générant du trafic. Nous aimons appliquer le framework AARRR, un modèle très startup qui s’applique à tous les business, mais qui fonctionne, avec lequel on sait où l’on va et qui est actionnable :

 • A pour acquisition, à travers les différents canaux de l’activité (SEO, social, mailing, etc.) ;

 • A pour activation, lorsque le prospect comprend la valeur ajoutée de l’offre/du produit ; 

• R pour retention, c’est la fidélité. Dans notre cas, nous avons un programme de fidélité ainsi que la possibilité d’ajouter un cadeau pour chaque commande. Le tout est chapeauté par des campagnes de remarketing pour nos meilleurs clients avec une offre personnalisée ;

 • R pour referral, autrement dit le bouche-à-oreille ; 

 • et enfin, R pour le revenu généré. 

Durant mon master à ICN, j’ai poursuivi mon apprentissage personnel en lisant de nombreux ouvrages, et surtout en suivant des personnes influentes dans la sphère de la digitalisation et du SEO, telles que Brian Dean ou Neil Patel. Je n’ai pas compté mes heures, mais pour être franc, ce travail m’absorbait et je ne me rendais pas compte du temps qui passait. Je me suis toujours fixé des objectifs à court terme afin de réaliser ceux de long terme. Cela me permettait d’avancer et d’être satisfait du chemin parcouru. Concilier mon diplôme et ce projet n’a pas été si difficile. J’ai ainsi pu découvrir de nouveaux domaines complémentaires à ma formation ICN qui reposaient sur le commerce international. Par la suite, je me suis intéressé au marketing automation, au copywriting et, surtout, au marketing scalable grâce à l’automatisation des processus. En termes de résultats, nous avons triplé notre chiffre d’affaires en 5 ans sans augmenter la masse salariale.


Que proposez-vous aujourd’hui à vos clients en matière de digitalisation ? Avec quels bénéfices ? 

 Nous proposons aujourd’hui plus de 3 000 références en ligne, de nombreux contenus présentant les plus grands artistes verriers, mais aussi des articles relatifs aux arts de la table. Ce contenu, à forte valeur ajoutée pour notre audience, renforce le désir d’acquérir de la verrerie d’art par exemple, ou simplement l’envie de composer son premier service de verres. Le contenu intervient en amont de la décision d’achat. Ainsi, nous obtenons de meilleures conversions, des paniers d’achat plus importants et, surtout, nous partageons notre expertise, ce qui participe au brand awareness et renforce la confiance. En termes de visibilité, nous atteignons 600 000 visiteurs en 2020. Nos clients sont répartis dans plus de 40 pays. Nous essayons d’optimiser tous les process, tels que l’expédition avec Sendcloud qui offre une très bonne expérience client avec un suivi personnalisé et une plateforme de retour. Nous avons également quelques exemples web to store. Certains clients qui nous ont découvert grâce à notre site web se déplacent en boutique et sont heureux de nous rencontrer. Enfin, nous avons une bien meilleure connaissance de nos clients et de leur cycle d’achat. Le consommateur bénéficie ainsi d’un historique complet et de recommandations personnalisées afin de répondre au mieux à ses attentes.


Quelle est la part de l’e-commerce sur vos ventes ? 

 La part de l’e-commerce est de l’ordre de 70 %.


Avez-vous instauré le click & collect ? 

Non, car la demande n’était pas présente. Plus de 90 % de nos clients ne se sont jamais rendus dans notre boutique à Baccarat. Nous ne sommes pas un pure player, mais parfois, ça y ressemble ! Cette demande inexistante pour le click & collect traduit le manque de dynamisme en point de vente physique et la désertification des petits centres-villes qui affecte toute la France. C’est un point que nous allons essayer de travailler en 2021 avec des campagnes de retention incitant à venir découvrir cette fabuleuse ville qu’est Baccarat.


Allez-vous développer davantage la démarche de digitalisation de votre point de vente ? 

Je ne pense pas, car le retour sur investissement ne serait pas présent dans notre cas. Nous allons nous concentrer sur le développement de notre boutique en ligne qui présente de meilleures perspectives


Quelle expérience client cherchez-vous à procurer avec la digitalisation ? Quel est le plus pour votre magasin et vos clients ? 

Avoir accès à un catalogue produit inédit et de grande envergure en ligne, garantir un service d’exception dans le traitement des commandes, conserver cette confiance qui peut parfois faire défaut lors d’un achat en ligne. Nous préférons l’appel téléphonique à l’e-mail afin d’échanger avec nos clients, et c’est très apprécié. Notre petit plus, c’est que nous restons de petits commerçants. Nous aimons le contact humain, nous savons récompenser la fidélité, nous avons ces petites attentions qui font la différence. Enfin, nos clients peuvent faire leur magasinage en amont de la venue en boutique, et l’expérience utilisateur y est bien plus pertinente. La recherche par mot-clé et par catégorie permet d’avoir une meilleure vision et de trouver rapidement son bonheur.


Quels sont demain vos principaux objectifs ?

 Il s’agira d’améliorer l’expérience utilisateur, de développer notre stratégie de contenu et nos campagnes sociales. Nous étudions également un nouveau projet : le lancement d’une marketplace spécialiste du verre et du cristal, où les petits artisans/artistes comme les particuliers pourront proposer des produits à la vente. Un exemple ultime du marketing scalable poussé à son paroxysme ! De quoi proposer encore plus de choix à nos clients

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