Dossier

'Manu-Tensions' dans l'univers des arts de la table : De la mains à l'objet

17 février 2021
Par : Denis Courtiade

Le choix des pièces d’arts de la table doit tenir compte de l’esthétique et de la fonctionnalité. Comment faire le bon en termes de formes et de matériaux ?

Véritable reflet de l’âme, la main donne vie à la matière et anime l’objet en le manipulant. Elle est à la fois un outil essentiel et un formidable vecteur de communication. Je pense à la main de l’artisan, celle qui façonne et fabrique. Je pense au sens du “toucher” du cuisinier, si déterminant quand il élabore et dresse ses préparations culinaires. Je pense à la dextérité et au doigté du maître d’hôtel qui, avec des gestes chorégraphiés, tranche, flambe et sert à la table de ses clients. Dans nos espaces de restauration où l’hospitalité fait foi, la main est bien plus qu’un accessoire. Certes, la main prend, donne et reçoit… Mais avant tout, c’est elle qui porte le “message” de la cuisine vers la salle tout en racontant l’histoire du lieu. La main personnalise la relation en appuyant le discours et en renforçant le pacte de confiance. La main remercie, raccompagne, puis salue.


LA FONCTION PRÉCISE L’OBJET

 Lors de leur acquisition, les pièces d’arts de la table sont sélectionnées pour leur esthétique, leur originalité et leurs usages tacites. Une mise en perspective in situ se révélerait fort utile afin d’éviter d’éventuelles déconvenues et frustrations à venir pour les collaborateurs qui en auront l’usage. Aussi précieux soient nos arts de la table, il est intéressant de visualiser leur utilisation au quotidien dans le temps et dans l’espace. Une utilisation courante et des manipulations parfois maladroites apportent de nombreuses indications en vue d’un éventuel renouvellement de nos verreries, porcelaines et autres... Faut-il privilégier le pratique durable au décoratif cassant ? Le bon sens devrait pouvoir nous aider à faire les bons choix de formes et de matériaux : 

• prise : cette ardoise est impossible à prendre à la main, et encore moins à manipuler sans y laisser des empreintes de doigts ;

• poids : l’assiette en béton doublée/triplée voire clochée est trop lourde sur nos plateaux ; 

• thermique : si le matériau est trop conducteur, le personnel de salle va se brûler les doigts. S’il ne l’est pas assez, les collaborateurs s’exposent à cette phrase du convive : « Ce que vous me servez est à peine tiède ! » ; 

• délicatesse : ce service est tellement fin, léger et fragile que nous allons inévitablement avoir beaucoup de casse ; 

• préciosité : quelle magnifique porcelaine et cristallerie, ce sont des pièces uniques ! En ébrécher un exemplaire sera dramatique pour les collaborateurs, et que dire des vols à venir ? 

• son : les couverts qui raclent le fond de l’assiette génèrent un bruit strident insupportable ; 

• difforme : ce tissu va se déformer, ces nappes rondes vont se voiler. 

• altération : un matériau poreux se marque et se décolore, l’aspect parait vétuste ; 

• patine : espérons que les effets tels que les sigles, les logos et les dorures ne s’effacent pas à l’usage ; 

• entretien : cela ne se nettoie pas au lave-vaisselle, trop chaud et trop abrasif ; 

• manutention : où, par qui et comment les pièces d’art de la tale sont-elles manipulées dans nos espaces de travail ? 

• stockage : la forme de ces assiettes ne nous permet pas de les empiler pour les ranger. Nous devrons créer des emplacements spécifiques (coffrages, boites, feutrine entre chaque pièce, etc.) pour les stocker. 

A l’heure du choix, vous l’aurez compris, au-delà de l’aspect innovant souvent mis en avant par le décorateur ou bien l’artisan, il importe de penser à visualiser par étapes vos futurs objets d’arts de la table lors de la manipulation, l’utilisation, le service, l’entretien et le stockage. Si les contraintes des collaborateurs sont bien comprises, alors la longévité de leurs outils de travail sera assurée. La main donne vie à l’objet, évitons donc qu’elle la lui reprenne…

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