L'écoresponsabilité : nouveau mot d'ordre du marché

21 octobre 2022

Recycler, innover, économiser l’énergie… Plus que jamais l’année se termine avec une prise de conscience qui impacte tous les marchés dont celui des arts de la table, du culinaire, voire de la décoration. Le slow est le nouveau mot d’ordre. Revue de détails !

Dédiée à l’extérieur, la vaisselle non jetable de Table et Nature est en biomatériau, dégradable en fin de vie. Prix public : 24,99 € le lot de 4 assiettes

Le courant s’est plus que jamais vérifié lors du dernier salon Maison & Objet à Paris en septembre dernier. Désormais, la décoration, mais aussi tout ce qui va sur la table et dans la cuisine, se pense, comme la mode, en termes de responsabilité sociale et environnementale. Explosion du marché de la seconde main, réflexion sur la circularité, matériaux recyclés innovants… Jamais autant de pistes n’ont été explorées pour réduire l’empreinte carbone des objets de notre quotidien tout en augmentant leur durée de vie. « C’est clair et évident, on ne peut plus fabriquer comme avant, note Vincent Grégoire, directeur insights au sein de l’agence Nelly Rodi. Nous sommes dans l’urgence climatique. Cela implique pour chaque marque de sensibiliser, de donner du sens et d’être dans une approche positive pour réduire les déchets, l’énergie et l’empreinte carbone. Chacun doit réfléchir à comment changer les règles du jeu. »


ÉCONOMISER LA MATIÈRE PREMIÈRE 

Sur une planète en surchauffe et dont les réserves s’épuisent, plus que jamais le recyclage semble être un moyen de produire de façon plus raisonnée. Sur ce créneau, les exemples se multiplient. Chez Revol, la collection No.W, lancée en février 2020, est intégralement produite à partir de pâtes et d’émaux Revol recyclés. Ce nouveau matériau céramique, baptisé Recyclay, étant aussi performant que la porcelaine de la marque avec la même durabilité, robustesse et fonctionnalité pour la cuisine professionnelle. 

Chez Reine Mère, le cycle de vie des produits est étudié en globalité, de la conception au recyclage. Ici, couverts à salade en hêtre massif issu de FGD fabriqués dans le Jura. Prix public : 29,50 €.

Chez le coutelier Jean Dubost, l’écoresponsabilité est au cœur des préoccupations depuis de nombreuses années. « Nous avions lancé dès 2008, les premiers manches biodégradables et compostables (à base d’amidon de maïs), confie Benoît Berot, directeur commercial et marketing de la marque. À l’époque, ces gammes n’avaient pas eu un succès retentissant car arrivées trop tôt sur le marché et en pleine crise économique. Puis, nous avons été le premier coutelier certifié PEFC dès 2009 (bois issu de forêts durablement gérées), nous travaillons sur le sujet ardu du recyclage du plastique qui se trouve en grande quantité dans la nature et qui est très difficile à réinjecter dans le cycle de la consommation. Après des années de recherche, nous avons collaboré avec une jeune start up afin de lancer la gamme Sense en 2021 dont les manches sont entièrement réalisés à partir de déchets de plastique 100 % recyclés et collectés en France. Ce projet, en relation avec l’économie circulaire, permet de réduire notre impact carbone sur l’environnement (-84% par rapport à un plastique classique). 

LSA International s’est associé au concept store parisien Fleux pour présenter une vitrine qui célèbre le verre, matériau versatile et recyclable à l’infini, à l’occasion de Maison&Objet. La marque y a présenté des articles polyvalents fabriqués à partir de matériaux recyclés : terrariums fermés en verre recyclé, jardinières auto-arrosantes, vases transformés en lanternes, gobelets utilisés pour l’eau, le vin ou les cocktails, etc

Fort du succès de celle-ci, nous avons lancé d’autres nouveautés réalisées à partir de cette matière au salon Maison & Objet de septembre dernier comme des couverts de table, des planches à découper et des couteaux steak Jean Dubost Laguiole. » 

Réutiliser l’existant, tel est également le pari intéressant de Q de bouteilles qui produit dans le Nord de la France, au Touquet, depuis 2016 des verres à partir de bouteilles de vin recyclées. « L’upcycling est à la base de notre histoire, explique Victoire Paillard Decarne, cofondatrice de Q de bouteilles. Tout comme la dimension RSE est à la base de la logique d’entreprise. 

L’idée : recycler par plaisir autant que par devoir. Transformer, sans trop dénaturer. Créer les classiques de demain, c’est-à-dire des objets raisonnés qui allient un mode de production respectueux et un galbe intemporel. C’est ce que j’appelle la sobriété heureuse. » Depuis, sur le même système, la marque propose des vases, des bougies et même des planches. 


Tous les produits Cristel en inox sont garantis à vie. Ici, la gamme Mutine en inox 18/10 brillant sur un fond thermo-diffuseur ultra performant qui permet une cuisson sans eau ni graisse. Prix public à partir de 69,90 € la casserole

DURABILITÉ ET CYCLE DE VIE

L’autre challenge est également de proposer des produits dont la durée de vie est prolongée et le cycle de vie pensé. « Dans le but de réduire les déchets, l’approche créative doit plus que jamais aujourd’hui apporter une vraie innovation, confirme Vincent Grégoire. Chaque produit doit faire sens et être questionné de sa création à sa production et jusqu’à sa fin de vie. » Une réflexion qui habite certaines marques depuis bien longtemps. « Depuis plus de 40 ans, chaque décision, du développement des produits aux choix industriels, ou encore les partenariats que nous tissons, est prise dans le respect de l’environnement, confie Damien Dodane, directeur général délégué de Cristel. Notre stratégie de fabricant, dès l’origine de l’aventure Cristel, est empreinte de ce souci, puisque nous nous sommes lancés dans la fabrication de produits de qualité que nous pouvions garantir à vie. Pas de production jetable chez nous. Et quand nous appliquons un revêtement antiadhérent qui, par définition, a une durée de vie plus courte que son support, nous mettons en place un service de rénovation, le rechapage, pour prolonger la vie du produit et lui redonner une nouvelle vie. Il existe chez nous depuis 1994. » 

L’innovation est également au cœur du concept de la vaisselle de loisirs d’extérieur Table & Nature. « Notre matériau est d’origine végétale et minérale sans substance pétrolière. De la famille des PLA (un acide polylactique), celui-ci est obtenu par une transformation à haute température d’amidon de végétaux, extrait de résidus agricoles (ni déforestation, ni substances alimentaires), explique Pascal Pley, fondateur de la marque. Cette base est ensuite mise en fermentation, à l’aide de bactéries. Un ajout minéral (comme de la craie), vient compléter la préparation de la matière, pour la doter de caractéristiques mécaniques adéquates. » Au final, quand la vaisselle n’est plus utilisée, elle pourra être soit refondue et réutilisée, soit biodégradée en compost industriel par Table & Nature. « C’est notre choix de récupérer et traiter nous-même la fin de vie de nos produits qui représente probablement le mieux notre engagement vers une nouvelle façon de consommer. Entreprendre et produire, certes, mais surtout assumer nos produits, voilà notre mission », ponctue ce dernier. 


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Claude Minni, Gérant de Chroma France : "Le Kasane by Kasumi, du wabi sabi dans toute sa splendeur !"

« Le couteau Kasane de Kasumi a dès sa conception été étudié en mode écoresponsable pour consommer le moins de matière possible et en circuit court. C’est ainsi que le choix du matériau des manches s’est porté sur un bois de cerisier de montagne non issu de plantations et proche de la ville de Seki, au centre du Japon, berceau de la manufacture. On distingue au Japon deux catégories de cet arbre mythique : majoritaires (plus de 300 espèces), “satozakura” désigne ces cerisiers des parties résidentielles, poussant au bord des routes ou dans les parcs. Les cerisiers des montagnes, “yamazakura” ou “hon-sakura” sont au nombre de 4 espèces seulement, et sont réputés pour leur aspect changeant et multiforme, leur charme unique aux veines naturelles qui les prédestine aux objets décoratifs. 

Une partie de la montagne au-dessus de Seki sert aux prélèvements de roches pour les routes, tunnels, etc. et des mouvements de terrain consécutifs aux pluies et aux glissements de terrain amènent leur lot saisonnier d’arbres déracinés en morceaux. Ils sont alors collectés pour des produits d’ameublement et les petites parties qui seraient autrement perdues, sont récupérées pour les manches de Kasane entre autres. C’est un travail ardu de faire de petits morceaux irréguliers un manche aussi beau. Second aspect interne à l’entreprise, une attention particulière est portée à la durabilité du produit. Ce qui implique l’absence de rivets au montage et une lame dure fortement carburée. Afin d’accentuer cette écoconception Kasumi a développé une nouvelle technologie, “zéro edge”. Elle tire son nom du rapprochement de l’épaisseur du bord à 0 mm dès le premier affûtage de manière à éviter la surconsommation de ressources productives ; le fil d›une lame “zéro edge” est super net et durable. C’est du wabi sabi dans toute sa splendeur : superposition de wabi (simplicité et harmonie avec la nature) et de sabi (qui se réfère au temps qui passe). Un corpus d’idée trouvant son prolongement dans une logique de production, Kasane (dont le nom signifie “superposition”), personnifie ce que le consommateur perçoit comme un objet zen, dénué d’artifices. »

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L’INTÉGRATION DE LA RSE 

Alors que les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux discours et aux valeurs des marques, celles-ci doivent donc se montrer plus transparentes. « Le produit n’est finalement que la partie visible de l’iceberg, résume Vincent Grégoire. Ce qui compte pour chaque entreprise ou fabricant, c’est l’empreinte que chacun laisse et le discours que chacun tient. Cela passe par le choix de devenir une entreprise à mission, par l’intégration de la RSE au quotidien ou encore la labellisation Be Corp. » 

Déco et écolo, la marque Les Transfarmers invente le premier pot de fleurs composteur. Prix public : à partir de 210 € en version naturelle.

« Nous sommes conscients de la puissance que représentent les entreprises aujourd’hui dans la construction d’un monde plus juste, équitable et pérenne, poursuit Damien Dodane. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés sur le chemin de l’Entreprise à mission. Pour travailler et partager avec l’ensemble de nos partenaires et collaborateurs une chaîne de valeurs qui donne du sens à notre travail. Cela passe par plusieurs projets. Le recyclage est géré chez Cristel depuis plus de 20 ans. 

Nous avons contribué à créer un groupe d’étude de réduction et de la valorisation des déchets avec nos voisins industriels. Pour ce qui concerne l’énergie, notre usine est approvisionnée en électricité issue de sources renouvelables depuis près de 15 ans. En 2020, nous avons pris la décision de valoriser la chaleur fatale sur notre four de cuisson des revêtements avec Ananké, une startup locale. L’installation a eu lieu début 2022 et est pilote pour l’industrie dans notre catégorie de consommation. Enfin, depuis 20 ans, nos compresseurs chauffent nos ateliers. Nous fonctionnons en circuit fermé sur l’eau du process de fabrication ce qui nous a permis de diviser par trois la consommation d’eau à production équivalente. D’autres projets sont déjà en cours pour aller encore plus loin. » 

Les verres Q de bouteilles sont fabriqués à partir de bouteilles de vin recyclées au Touquet. Prix public : 49 € le lot de 4 verres short drink

Chez Jean Dubost aussi, l’engagement n’est pas nouveau et se veut lui aussi complet. « L’écoresponsabilité est au cœur même de de notre action. Nous avons été très honorés à ce sujet d’obtenir en 2021 la certification Engagé RSE confirmé** délivrée par l’Afnor qui valorise l’ensemble des actions engagées par l’entreprise dans les différents domaines de la RSE et nous comptons aller plus loin encore, confirme Benoît Berot. Chaque année l’entreprise investit une part importante en R&D dans le domaine du développement durable et dans la réalisation de produits éco-conçus. Nous sommes aussi engagés dans une démarche globale dans de nombreux domaines comme la gestion de nos déchets, nos process de fabrication, la conception de nos packagings, le choix de nos partenaires en circuit courts : en effet, 65% de nos fournisseurs sont implantés en région Rhône Alpes Auvergne. Concernant la réduction de la consommation d’énergie, nous déployons atelier par atelier la récupération de la chaleur fatale dégagée par l’appareil productif afin de chauffer les bâtiments et lieux de vie de l’entreprise et ceci dans le but de faire baisser notre impact sur l’environnement et notre empreinte carbone. Question recyclage, nous œuvrons chaque jour à élargir celui-ci et nous atteignons déjà un taux de recyclage de nos déchets de 98 %. 

Les manches de la gamme Sense de Jean Dubost sont 100 % plastiques collectés et recyclés en France. Prix public : 38,50 € le set de 3 couteaux environ

Les résidus d’acier appelés boues d’émouture (obtenus lors de la fabrication des lames de couteaux) sont collectés et retraités afin de servir de combustible pour l’industrie de la cimenterie. Les rebus plastiques issus de nos ateliers de plasturgie sont entièrement retraités pour redevenir de la matière et resserviront à fabriquer des manches. On est totalement dans l’économie circulaire. Enfin, depuis 10 ans, nous avons investi dans différents circuits d’eau fermés afin de faire baisser la consommation de cette ressource rare de 83 % ces dernières années. » L’engagement des marques est donc multiple et ne date pas d’hier montrant que certains sont même précurseurs sur le sujet. 


« Déjà en 1926, nos grands-pères avaient misé sur l’énergie hydraulique plutôt que sur le charbon pour alimenter la manufacture Riess, explique Julian Riess, actuel dirigeant de la marque autrichienne. C’est pourquoi notre production est neutre en CO2 depuis cette époque. 

La nouvelle collection Reclay d’Asa Selection est issue d’un processus de recyclage : récupération des excédents d’émail et de copeaux d’argile, des produits non émaillés recalés au contrôle qualité. L’eau est en outre récupérée et réutilisée via une centrale de traitement de l’eau. Les moules en plâtre usés sont quant à eux réutilisés dans d’autres industries. L’énergie photovoltaïque et la récupération de la chaleur des fours ajoutent une valeur écologique supérieure au processus de fabrication

Le matériau utilisé pour l’émail est du fer sur lequel on fait fondre du verre, soit des matériaux purement naturels qui ont une très longue durée de vie et sont recyclables à 100 %. Ces dernières années, d’autres mesures ont été prises pour minimiser notre consommation d’énergie. Par exemple, nous utilisons l’air chaud du four pour chauffer notre hall d’usine ou pour sécher les produits après leur immersion dans la barbotine d’émail. Côté produit, nous avons lancé en 2022 les récipients de stockage multifonctionnels Serve+Store, qui doivent également contribuer à la lutte contre le gaspillage alimentaire. L’émail est idéal pour la conservation, car sa surface non poreuse a un effet antibactérien et préserve bien les arômes. Enfin, nous avons été l’une des premières entreprises de taille moyenne en Autriche à publier notre rapport de durabilité et nous nous soumettons régulièrement à la procédure de certification de l’organisation Green Brands. 

Nous avons choisi la voie de l’économie durable depuis maintenant 100 ans et pour nous ce n’est pas une nouvelle tendance à suivre mais bien notre philosophie que nous continuerons à appliquer. » 

Des exemples inspirants à suivre.

A gauche : La collection No.W de Revol est intégralement produite à partir de pâtes et d’émaux Revol recyclés. Prix public : 24 € les 2 gobelets | Au centre : Depuis 1926, Riess est spécialisée dans la fabrication d’ustensiles de cuisine haut de gamme en émail. Ici la nouvelle gamme Serve + Store. Prix public à partir de 49,99 €. | A droite : Le projet Eco Gres de Costa Nova (issu des excédents et des sous-produits résultant de la production industrielle), utilisé dans des collections comme Lagoa Eco Gres et Plano, a remporté le prix de la durabilité Ki-Life 2022, décerné par la société de conseil italienne Kiki Lab, lors du salon milanais Hom


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