L’art et la matière

12 mai 2023
Par : Astrid Briant

Le choix de la matière utilisée en art de la table dépend des préférences esthétiques personnelles et des tendances du marché. Cependant, certains matériaux doivent leur popularité à leurs qualités mécaniques. Explications.

VERRE ET PORCELAINE, ÉLÉGANCE ET RÉSISTANCE

 Il suffit d’identifier les matières prédominantes dans les services qui équipent les hôtels et les restaurants pour déterminer celles qui, en plus d’être appréciées pour leurs styles, répondent aux besoins d’une cuisine quotidienne pour des raisons mécaniques. 

Porté par la tendance en faveur du développement durable, l’artisanat connaît une nouvelle estime. Parallèlement, la qualité des produits et la durabilité du design sont mises en avant. Avec la collection Verana, Asa Selection souhaite répondre aux attentes des consommateurs en termes de durabilité, d’intemporalité du design et de qualité. Ces tasses à expresso, cappuccino et caffè latte en grès sont fabriquées au Portugal, selon un process impliquant beaucoup de travail manuel, rendant chaque produit unique aussi bien de par son relief que son décor. La surface, émaillée en haut et non émaillée en bas, souligne le caractère artisanal des gobelets tout en offrant une sensation particulière au toucher. La couture tactile est modelée à la main sur le corps du gobelet, ce qui rend la rend unique. De plus, la finesse de la couture, qui contraste avec la conception artisanale, confère une certaine élégance et originalité. L’émail réactif aux couleurs douces et chaudes, qui réagit différemment à chaque cuisson, souligne le caractère unique de chaque gobelet

« La principale qualité du verre, ce qui rend la matière magique, c’est sa transparence ! » s’exclame Nicolas Bigot, directeur commercial de La Rochère. Ce n’est peut-être pas un hasard si élégance rime avec transparence. Quelle que soit la couleur, la forme, la texture de l’aliment, le verre a cet atout majeur de le mettre en valeur. Mais la transparence n’est pas la seule caractéristique qui fait du verre un indispensable de l’art de la table. « Le verre trempé est extrêmement résistant aux chocs. Le restaurateur peut utiliser de manière intensive le verre sans s’inquiéter du niveau de casse. La durabilité dans l’appréciation de la matière est un critère dont l’importance ne cesse de croître. L’aspect sanitaire également et sur ce point, le verre en tant que matériau inerte a de vrais atouts face au plastique dont la porosité et la migration des particules à la chaleur inquiètent », affirme Gwenaëlle L’Hénoret, directrice marketing Europe d’Arc international. Malgré les avancées technologiques, techniques et industrielles, la porcelaine fait, elle aussi, partie de ces matières qui ont su traverser les années et temps par leur beauté et leur technicité. 


La céramiste malinoise Ann Van Hoey a imaginé Nido un service de table contemporain en bone china (porcelaine à la cendre d’os) pour Serax. « J’utilise la technologie informatique pour générer les modèles 3D dont j’ai besoin pour fabriquer mes moules. Les lignes de guidage créées par le programme de dessin me fascinent tellement que je les utilise pour développer divers motifs épurés », explique-t-elle. Côté finition, elle a opté pour une glaçure translucide pour magnifier le caractère immaculé de la porcelaine blanche, mais certaines pièces se déclinent en céladon vert jade. Prix public à partir de 24,50 €.

Si celleci est appréciée, c’est en raison de sa finesse qui n’a d’égal que sa résistance. En plus d’être particulièrement résiliente aux chocs, nombre de porcelainiers qualifient cet “or blanc” particulièrement endurant face aux taches. « La céramique permet de travailler la finesse et offre des possibilités de forme et de design infinies. C’est ce qui passionne les designers avec lesquels Revol travaille à l’instar de Ferréol Babin qui a donné naissance à la collection YLI. Initialement, ce designer travaille le bois, explique Paul-Ambroise Saunier (Revol) avant de poursuivre : La quantité de kaolin dans sa composition crée un maillage ultrarésistant mécaniquement. Par ailleurs, sa cuisson à 1 320°C rend sa porosité nulle. Chez Revol, elle est de 0,01 %. Rien n’y pénètre ce qui garantit une hygiène et une résistance optimales. Utile pour la plonge ! 

Nouvelle collection Presente chez Leonardo en verre Teqton imprimé de fleurs en combinaison avec une impression or. Prix public : 19,95 €.

Quand ça casse, ça ne s’ébrèche pas, ça casse complètement. La densité de la porcelaine permet en outre de bien maintenir la chaleur. Après le passage au passe-plat, le serveur peut ramener les assiettes sur la table à bonne température. Elle remplit les conditions techniques nécessaires à la cuisine au quotidien. Les acteurs de la restauration peuvent adorer un design, mais si le matériau est fragile ça sera rebutant. » Les contenants en bois et en mélamine, eux aussi, suscitent l’intérêt de ceux qui optent pour la durabilité. 

La vaisselle réutilisable est l’opportunité pour les magasins de proposer une offre différenciante et esthétique, répondant à une utilisation sur la table comme à un usage outdoor et nomade. C’est en tout cas le pari de Lacor avec le lancement des collections en mélamine Earth (décor imitation grès, photo) et Sea (imitation céramique). Sans BPA, ces produits sont compatibles avec le lave-vaisselle. Prix public à partir de 19 € l’assiette ø 24 cm.

Si pour des questions d’hygiène, le bois est incompatible avec l’hôtellerie-restauration, les particuliers eux, sont chaque jour plus nombreux à se tourner vers ces objets écoresponsables. « Du côté de l’hôtellerie- restauration, la mélamine fait partie des matériaux permettant de remplacer les contenants jetables et s’impose également aux particuliers qui se tournent vers des objets écoresponsables et réutilisables, observe Christophe Decanter, directeur commercial chez Lacor. Elle est parfaite pour une utilisation nomade et outdoor, sans risque de casse tout en étant facile à laver. Elle n’est pas adaptée pour la chaleur en revanche. »

LE GRÈS, ROI DE LA CONSERVATION

 Si Corinne Jourdain Gros reconnaît volontiers le caractère “premium” de la porcelaine, elle tient à rappeler que la matière n’a ni le monopole de la robustesse, ni celui de la noblesse. Pour la présidente de la Manufacture de Digoin 1875, le grès – la plus rustique des céramiques – propose des dressages tout aussi chic. 

Sieger by Fürstenberg poursuit le développement de ses gobelets à champagne Sip of Gold avec l’introduction récente de 2 références dans la série Beautiful Creatures, dont une partie des recettes est reversé à National Park Rescue, un organisme dédié à la préservation des espèces sauvages : The Sharks et The Kiwis. Fabriqués à la main en Allemagne, porcelaine ultra fine (épaisseur : 2 mm) et plaquage or 24 carats à l’intérieur. Prix public : 167 € pièce

« En céramique, il existe quatre types de pâtes : la porcelaine, le grès, la faïence et la poterie. Elles fonctionnent deux par deux. Le grès et la porcelaine ne sont pas poreuses, en raison de leur haute température de cuisson. 1 300°C pour la porcelaine et 1 200°C pour le grès. La faïence et la poterie sont, quant à elles, cuites à des températures plus faibles, ce qui vaut aux objets conçus dans ces matières d’être plus perméables et fragiles. C’est facilement vérifiable dans un vide-grenier. Les assiettes en faïence s’ébrèchent à force d’usage. 

Grâce à un procédé d’émaillage mat exclusif et breveté, mis au point par le département de recherche et développement de RAK Porcelain à Ras-Al-Khaimah (EAU), la nouvelle collection Earth, lancée au printemps, présente l’apparence de la terre cuite et de l’argile, mais aussi la surface lisse et non poreuse ainsi que la résistance mécanique de la porcelaine. Avec sa résistance aux chocs thermiques et un polissage spécial pour assurer un confort accru, cette gamme se révèle adaptée à l’industrie de l’hôtellerie et de la restauration. Elle se compose des séries Tero, Argila, Baantna et Ghera pour un total de 94 produits disponibles dans une variété de décors appliqués à la main, offrant ainsi une palette de 612 options différentes.


La faïence est aussi l’unique victime du tressaillage (des microrayures, NDLR) qui se forme à la surface des assiettes avec le temps et résulte du frottement des lames des couteaux. Ce phénomène n’existe pas sur les assiettes en grès ou en porcelaine puisque ce sont des pâtes fermées toujours en raison de la température de cuisson. L’imperméabilité du grès, en fait une matière idéale pour la conservation et mécaniquement très résistante à tel point qu’au XVIIIe et XIXe siècles, on trouvait des canalisations en grès. 

Collection L’Archipel sentimental, imaginée par Jean-Charles de Castelbajac pour la Faïencerie de Gien, fondée en 1821. Prix public ; 270 € les 6 assiettes plates ø 27,3 cm



Ce dernier est par ailleurs fréquemment utilisé pour les contenants dans l’industrie chimique, pour la simple et bonne raison que c’est une matière opaque. D’ailleurs, pour ne pas voir leurs qualités nutritionnelles et gustatives altérées par la lumière, certains condiments tels que l’huile d’olive ou le vinaigre devraient être conditionnés dans des contenants en grès plutôt qu’en verre. »




LA POROSITÉ, FORCE ET FAIBLESSE DE LA FAÏENCE

Fabriquées en porcelaine de Limoges, les assiettes festonnées de la collection Reminiscence de Degrenne sont issues des archives de la manufacture, revisitées avec un vichy oversize, des coups de pinceaux et des filets de couleur. Prix publics : de 27 € à 32 €

 Si dans la famille des céramiques, la faïence demeure la plus fragile, sa plus belle victoire s’établit dans sa capacité à avoir transformé sa faiblesse en une véritable force comme l’explique Aurélie Richard, directrice artistique de la Faïencerie de Charolles : « Sa fragilité vient de sa porosité, mais celle-ci est également une qualité. C’est la matière la plus belle à décorer. Elle conserve très bien les couleurs qui peuvent être déclinées en mat et en brillant. C’est chatoyant, il y a une profondeur. En termes de forme, sa “matérialité” permet d’avoir des finitions quasi parfaites. » Un constat partagé Marc Bureau, directeur de la faïencerie de Gien : « Si le décor de nos pièces est inaltérable c’est parce qu’il est réalisé sur des pièces déjà émaillées. La pièce va être de nouveau cuite après sa décoration. L’émail va fondre et le décor va être enverré dans la matière. Une fois sec, ça ne bouge plus. Prenez une pièce en faïence, passez-la régulièrement au lave-vaisselle, vous constaterez que le décor sur une assiette en faïence ne s’estompera jamais et les couleurs resteront chatoyantes comme au premier jour. »

Partager ce contenu