Des changements profonds dans les usages des consommateurs, une évolution majeure et structurelle de
Mettre en scène sert à générer l’envie. Placer ses produits sous le feu des projecteurs, les mettre en valeur et encourager l’achat, tout en respectant quelques consignes, se révèle fructueux.
Une mise en scène réussie aide à convaincre les clients et les incite à l’achat. « Une vitrine inspirante attire les passants dans les magasins, l’aménagement judicieux des surfaces de vente permet aux clients de s’orienter facilement dans le point de vente, la décoration inspire et éveille des envies qui conduisent finalement à l’achat », égrène Mathias Schwarz, head of visual merchandising chez Villeroy & Boch.
Alors que la pandémie de covid-19 a poussé de nombreux clients sur Internet, où ils apprécient la commodité et la facilité des achats en ligne, trouver l’inspiration sur place est l’une des principales raisons pour lesquelles les gens se rendent encore dans des magasins physiques. « C’est pourquoi il faut offrir davantage d’incitations et de services sur place pour les attirer à nouveau dans les magasins », insiste le merchandiser.
Pour Richard Feray, responsable merchandising et architecture chez Degrenne, la mise en scène aide aussi à restructurer le parcours client : « Son rôle est de faire entrer dans le magasin et de privilégier la flânerie. Le client fait un tour, découvre la marque, etc. Et quand il y a un lancement de produit ou gamme, nous organisons une mise en place stratégique dans le magasin. »
Pour lui, l’expérience émotionnelle suscitée doit naturellement inciter le client à poser des questions. « C’est un
rôle essentiel de la mise en scène que de créer une interaction entre la
force de vente et le client et entre le produit et le client », considère-t-il.
AIDER À SE PROJETER
Les tendances en matière de scénarisation suivent toujours la mode en matière de design d’intérieur. « Le but est d’inviter le consommateur à se projeter. Pour donner envie, l’offre doit être en adéquation avec ce que les gens ont chez eux ; s’ils ont une cuisine bleue, vous devez avoir de la vaisselle bleue, commente Alexis Evrard, directeur des opérations de Bruno Evrard.
« En ce moment, par exemple, le look boho est très en vogue. La scénarisation des points de vente doit suivre cette tendance en conséquence : décontractée et non conventionnelle, avec du raphia, des serviettes en lin et des fleurs séchées », conseille Mathias Schwarz (Villeroy & Boch). Élizabeth Leriche, fondatrice du bureau de style éponyme, met également en avant la grande tendance autour de la Méditerranée : « C’est joyeux, ensoleillé, jusqu’à des choses plus artisanales, comme des assiettes du Maroc, par exemple. » Nous pensons aux tables d’été sous la tonnelle…
La tendance est davantage à des produits rustiques qu’à la porcelaine fine. Élizabeth Leriche conseille de placer des sets de table en vannerie, des choses peintes à la main, qui peuvent évoquer la luxuriance, comme chez Maison Datcha, où les traces de pinceau sont visibles : « Il y a un côté rustique, on peut mélanger des motifs et jouer à fond le mix & match. Associé à la tendance du moment, le carrelage investit les magasins, avec des produits placés sur des petits plots faits avec du Zellige. »
MISE EN LUMIÈRE
Pour Mathias Schwarz, la mission principale du merchandising visuel est de donner une scène aux produits et les faire rayonner. Et en principe, la devise est la suivante : “less is more”. Une disposition claire, un placement précis des produits avec des points focus sur certains d’entre eux offrent une vue d’ensemble et ne surchargent pas l’œil du client potentiel : « La lumière est également très importante car un éclairage optimal permet de créer les ambiances les plus diverses et ainsi de mettre en valeur les produits présentées. »
Julie Hermann, fondatrice de Focus Shopper, confirme : « Bien agencer ses verres à pied est un premier pas, mais encore faut-il qu’ils soient bien éclairés ! » L’approvisionnement est aussi important : des piles de produits de même taille, situées dans la partie inférieure du rayonnage, créent une atmosphère calme et ordonnée, et les clients peuvent immédiatement emporter le produit souhaité.
CALME, ORDONNÉ… MAIS AVENANT !
Au rangement scrupuleux, Julie Hermann met cependant un bémol. Pour elle, il s’agit de préserver une scénographie attirante, mais qui ne fasse pas trop “musée” : « Quand la vendeuse passe avec sa peau de chamois nettoyer les verres dès qu’un client les touche, ou que tout est rangé au cordeau, ce dernier n’ose pas toucher. Et dans les arts de la table, si vous ne touchez pas, vous n’achetez pas ». Pour mettre à l’aise, la scénographie doit aussi tenir compte des contraintes de volume et éviter de placer des pièces fragiles sur un espace que le client va devoir contourner.
JOUER LA NOUVEAUTÉ
La mise en scène respecte les fondamentaux du commerce : renouveler tous les 15 jours, notamment en centre-ville. Renouveler et raconter une histoire. Selon Julie Hermann, l’objectif est de travailler la « présence à l’esprit » : « Il faut que le client se dise que cette boutique ne ronronne pas, que le commerçant est à la pointe. »
Pour cela, elle conseille de montrer du classique, mais pas en vitrine : « En vitrine, c’est l’offre novatrice et la saison ! » Un autre fondamental est l’assortiment. « En tant qu’importateur, jamais je n’achète un article isolé. Il faut une gamme, sinon cela fausse la donne », souligne ainsi Alexis Evrard. Il cite l’exemple d’une collection de verres de couleurs qui, chez certains détaillants, ne fonctionnait pas. « Elle était en fait mélangée avec des verres d’autres marques, alors que nous avions misé sur un thème à 4 dégradés. Pour nous, c’était un carton sur internet.
La clé est parfois dans la présentation. » Le choix des produits en vitrine dépend aussi de la situation géographique du point de vente. Dans le cœur de ville, si vous circulez en tramway, il sera judicieux de mettre en vitrines des petites pièces, qui montre au client que la boutique a des pièces facilement emportables. Pour les petits articles et les produits nomades, tels que les mugs, les tasses ou les lunchbox, Mathias Schwarz a une autre suggestion : « Il est possible, en plus de la mise en scène dans l’espace de vente, d’utiliser des présentoirs à la caisse. Car si ces produits ont déjà plu auparavant, les clients se laisseront peut-être tenter par un achat spontané. » Car le détaillant avant d’être metteur en scène est aussi … un commerçant !
SÉDUIRE… SANS TOUT DÉVOILER
Le magasin Lartigue 1910 d’Ascain (Pyrénées-Atlantiques) est assez grand. « Nous avons la chance d’avoir plusieurs tables, donc la possibilité de raconter plusieurs histoires, explique Sandra, commerçante dans ce point de vente.
Aujourd’hui, nous avons quatre tables montées, dont deux côte-à-côte, pour trois ambiances différentes. » Quand elle reçoit la nouvelle collection, elle n’en sort qu’une partie : « Je présente les nouvelles toiles, mais pas toutes ensemble, et je fais en sorte que les couleurs s’adaptent entre elles ; avec des thématiques : goûter, fête, etc. », explique cette commerçante qui, en plus d’un coordonné visuel, vise un autre objectif : « J’essaie de faire attendre, pour placer les nouvelles toiles. » Le magasin n’a pas de vitrine, mais il a des idées.
« Nous avons décidé de végétaliser le magasin,
confie Sandra. Et pour travailler les chiliennes d’extérieur,
elle a placé de la pelouse synthétique. Pour Pâques, l’équipe
a réalisé des pliages de serviettes originaux : « Les clientes
disaient “nous allons vous piquer l’idée pour chez nous”…
Je ne demande pas mieux, c’est fait pour ça ! » Et pour éviter la routine, la mise en scène change tous les 15 jours !