En ce dernier trimestre 2024, la marque américaine lance une collection de machines à expresso premi
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Économie circulaire : de la réparabilité à la durabilité
L’indice de réparabilité instauré par la loi Agec est appelé à évoluer en indice de durabilité. Si le secteur du petit électroménager n’est pas encore concerné par cette mesure, nombreux sont les acteurs à avoir pris les devants. Explications.
Adoptée début 2020, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) transforme notre système pour promouvoir une économie circulaire et vise des objectifs tels l’éradication du plastique jetable, la réduction du gaspillage, la lutte contre l’obsolescence programmée et le réemploi. Elle regroupe de nombreuses mesures concrètes pour répondre aux défis écologiques à l’instar de la mise en place d’un indice de réparabilité sur certains produits, qui tend progressivement à devenir un indice de durabilité. Les acteurs du petit électroménager, perplexes face à l’injonction légale, n’ont visiblement pas attendu que le Parlement légifère pour être à la manœuvre. L’indice de réparabilité évalue cinq critères principaux : la disponibilité de la documentation, la facilité de démontage, l’accès aux outils, la disponibilité des pièces détachées et le prix de ces dernières, ainsi qu’un critère spécifique à la catégorie d’équipement concernée. Et pour cause, en 2020, seulement 40 % des appareils électriques et électroniques en panne en France étaient réparés. Afin de réduire les déchets, le gouvernement s’est fixé l’objectif d’augmenter cette proportion à 60 % d’ici à 2025 grâce à l’affichage de l’indice de réparabilité en magasin. Cette note obligatoire, affichée sur les produits au moment de leur achat, concerne aujourd’hui plusieurs types d’appareils tels que les smartphones, les ordinateurs portables, les lave-linges, les téléviseurs, les tondeuses, les lave-vaisselles, les aspirateurs, les nettoyeurs haute pression, et autres. Son objectif : sensibiliser les consommateurs à la réparabilité du produit dès l’achat, en leur fournissant des informations sur sa capacité à être réparé. « Dès 2018, les pouvoirs publics ont réuni toutes les parties prenantes : les fabricants, les distributeurs, les associations de consommateurs ou encore des réparateurs pour construire, dans le cadre de groupes de travail, l’indice de réparabilité. Chaque groupe était dédié à un produit en particulier. Ils ont développé des grands critères au sein desquels devaient être développés d’autres critères plus spécifiques en fonction du type d’appareil.
L’obligation pour
cette première vague de produit, d’afficher l’indice de réparabilité étant
fixé au 4 novembre 2022 », explique Alexandrine Fadin, directrice du
développement durable au Gifam qui représente les filiales françaises
de groupe internationaux ou de PME présentes sur le territoire et qui
fabriquent des produits électroménagers thermiques et électriques.
Depuis 2022, des travaux techniques ont été entamés pour faire évoluer l’indice de réparabilité en indice de durabilité, « sur le modèle des
travaux de 2018 et en suivant ce même principe de vague », précise
Alexandrine Fadin.
DES INCERTITUDES POUR LES ACTEURS DU PETIT-ÉLECTROMÉNAGER
La loi anti-gaspillage prévoit effectivement que d’ici à 2024, l’indice de réparabilité évolue vers un indice de durabilité. Des travaux sont en cours pour préparer l’ajout de nouveaux critères tels que la robustesse, la fiabilité et l’évolutivité des produits. Mais pour les acteurs du secteur du petit-électroménager, tout semble encore très flou.
« On connaît les grandes lignes. On sait que la durabilité des matières va être prise en compte, ainsi que le taux de panne, mais ce qui n’est pas très clair, c’est la manière dont ce sera adapté par catégorie de produit », explique Camille Faure, cofondatrice de la plateforme Kazoo. Et de poursuivre : « Kazoo travaille avec les plus grands fabricants et, à date, aucun d’entre eux n’est véritablement capable de m’expliquer comment sera calculé l’indice. La communication officielle viendra du ministère et sera ensuite relayée par les grands distributeurs et par le Gifam. Elle viendra également des associations pour le réemploi qui sont proactifs sur ces sujets. » Chez KitchenAid le sentiment de flou est tout aussi tangible : « Pour l’instant notre catégorie n’est pas concernée. Nous n’avons pas le cahier des charges. Mais c’est un enjeu qu’on adresse à travers notre marque et nos produits et sur lequel on travaille depuis plusieurs années. » Un travail consciencieux qui a notamment valu à la marque d’être lauréate du prix Gifam de la consommation responsable, avec son robot pâ- tissier Artisan 6,6 l à bol relevable. « La carrosserie de ce robot est en métal coulé.
C’est le cas pour bon nombre de nos appareils. Mais ce
qui le différencie véritablement c’est sa consommation énergétique de
375 watts. C’est faible rapporté à sa capacité d’usage. Il est garanti
5 ans et réparable 15 ans. La simplicité de nos produits permet une plus
grande longévité. Sans oublier les accessoires qui se connectent à nos
appareils, alimentent la capacité d’usage et limitent l’impact carbone.
Ça fait partie de notre ADN », témoigne Lucie Poulain, responsable
communication pour KitchenAid.
Si la parution des textes est fixée à 2024, la date précise de l’affichage
aux consommateurs demeure encore inconnue. « Très logiquement la
première vague sera composée des mêmes appareils. Pour le lave-vaisselle, le petit-électroménager, et notamment l’aspirateur, les travaux
n’ont pas encore débuté. Les pouvoirs publics ont laissé entendre qu’ils
n’étendraient pas l’indice de réparabilité à d’autres produits, donc aux
produits de PEM. L’objectif était surtout de donner une impulsion pour
que le sujet soit adressé au niveau européen. Mais il est évident que
d’autres vagues viendront par la suite. Cet indice de durabilité reprendra l’indice de réparabilité qui deviendra un bloc auquel s’ajouteront des critères de fiabilité comme la durée de fonctionnement selon les
recommandations d’usage du fabricant. Pour la déterminer, des tests
de résistance à l’usure et des tests d’entretien et de maintenance sont
réalisés puisqu’un bon entretien allonge systématiquement la durée de
vie. Une panne sur deux est liée à un défaut d’entretien. Nous délivrons
des guides sur ces sujets qui rencontrent beaucoup de succès auprès
des consommateurs », détaille Alexandrine Fadin.
Une fois ces nouvelles grilles de notation définies par le ministère de
la Transition écologique, reviendra aux fabricants la tâche de s’évaluer.
Pour s’assurer de l’objectivité de cette autoévaluation, la directrice du
développement durable du Gifam, s’attend à ce que les critères ne
soient pas source d’interprétation : « Ils doivent, par exemple, être fondés sur des tests européens et reproductibles. On ne compare pas
des choux et des carottes ! » Les fabricants pourront par la suite faire
l’objet de contrôles de la Direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui viendront
s’assurer de leur honnêteté. « Certains fabricants et distributeurs – qui
sont chargés de l’affichage – ont déjà fait l’expérience d’une première
série de contrôles l’an passé sur l’indice de réparabilité », témoigne
Alexandrine Fadin.
DES FABRICANTS QUI FONT PREUVE DE BON SENS
George MacGregor, directeur général associé chez Little balance, se
questionne sur l’impact environnemental réel de cette nouvelle mesure et
invite au bon sens : « Certains produits de petit électroménager coûtent
très peu cher : 20 €, 30 €, 40 €. Aussi, le coût de la logistique liée au
transport d’un modèle pour une question de réparation, le coût humain
lié à son traitement administratif, annulerait très rapidement la rentabilité
de la vente. Le remède risque d’être plus douloureux que le mal en luimême. L’utilisation d’un ordinateur, de l’électricité, l’acheminement par
voie postale, génèrent indéniablement une empreinte carbone. Pour que
le bénéfice soit réel, le consommateur doit pouvoir réparer lui-même
l’appareil. » De cette vision est née Little balance. « La balance ne sort
que rarement du placard et lorsque c’est le cas, elle n’a plus de pile.
Le consommateur passe son temps à en racheter. Cela génère un
coût économique, certes pas forcément élevé, mais rapporté au coût
de la balance, c’est absurde et écologiquement délétère. Chez Little
balance, nous sommes précurseurs dans la technologie du sans pile
qui fonctionne avec des accumulateurs rechargeables. Cela met fin au
problème écologique des piles et cela fonctionne jusqu’à 5 ou 6 ans.
Et, pour s’inscrire dans une démarche encore plus durable, plutôt que
de travailler sur cet indice, on a investi en ingénierie, pour rendre cet
accumulateur interchangeable par le consommateur. Exit l’ouverture
d’un dossier avec le service après-vente. C’est un pas énorme vers la
durabilité. On la multiplie par deux ou trois. Bien entendu, cette méthode
ne s’applique qu’aux appareils qui ne requièrent qu’une petite quantité
d’énergie pour fonctionner. Mais dans le secteur du pesage, qui représente plusieurs millions de pièces chaque année, c’est une révolution.
L’impact sera d’autant plus important si les consommateurs viennent
récupérer ledit accumulateur chez un distributeur plutôt que s’ils se
le font livrer individuellement. On voit que le consommateur adhère
puisque le marché du pesage est récessif, excepté le sans pile. Mais,
soyons clairs, s’inscrire dans cette démarche vertueuse a un coût. Si le
système fonctionne bien, nous en vendrons moins. Il n’y a pas d’indice
de durabilité pour mesurer tout ça, mais c’est du bon sens. »
Chez Daan Tech, l’écoconception est intrinsèque. Depuis 2016, la
marque française met en œuvre des initiatives visant à prolonger la
durée de vie des produits électroménagers et à réduire les déchets.
L’entreprise conçoit ses produits en mettant l’accent sur leur réparabilité,
leur longévité et leur faible impact environnemental. « Notre lave-vaisselle
Bob est entièrement réparable par ses utilisateurs. Construit comme un
Lego, il se démonte de A à Z à l’aide d’un simple tournevis. Un premier
diagnostic est réalisé à distance avec notre équipe SAV qui, en cas
de besoin, peut envoyer un joint, un raccord, une carte électronique.
Il suffit ensuite au consommateur de suivre les différents tutoriels de notre chaîne YouTube », explique Saskia Merlé, responsable marketing
& communication monde de Daan Tech. À cette facilité de maintenance, s’ajoute un fonctionnement écoénergétique. Le lave-vaisselle
éco-compact Bob est autonome il car n’a pas besoin d’être raccordé
à une arrivée d’eau : grâce à son réservoir intégré, il peut se remplir
manuellement. Fort d’une consommation de 2,9l seulement pour un
cycle normal, il peut aussi se brancher à une arrivée d’eau comme tous
les autres lave-vaisselles. Cette polyvalence lui permet de convenir à
n’importe quel habitat et configuration d’appartement. Depuis octobre
2020, il aurait permis d’économiser plus de 150 millions de litres d’eau,
grâce à ses 70 000 utilisateurs quotidiens. Enfin, Bob consomme moins
d’électricité qu’un lavage à la main, un moyen simple de faire baisser
les factures. Ces critères lui valent aujourd’hui une note de 9,3 : un
score que les fondateurs de la marque espèrent pouvoir attribuer à
leurs futurs produits à l’instar de Joe, leur four tout-en-un dont la date
de pré-commande sera annoncée début septembre 2023.
INTEROPÉRABILITÉ ET SURDIMENSIONNEMENT, CLÉS DE LA DURABILITÉ
La logique d’écoconception des produits Daan Tech se propage, notamment grâce à Damian Py, son ex-codirigeant, qui a récemment fondé
la fintech Bim à l’origine du rachat des actifs de la start-up toulousaine
Kippit, placée en liquidation judiciaire en septembre 2022. « Je voulais
généraliser l’esprit de Daan Tech. Bim entre au capital d’entreprises et
les aide à concevoir et développer des produits simples à fabriquer,
simples à réparer. Je suis à l’origine de l’architecture et de l’électronique de Bob. Cette expérience me permet de former les collaborateurs
chez Bim à la mise en place de bonnes pratiques pour que, in fine,
les consommateurs puissent réparer eux-mêmes leurs produits. Nos
composants sont standardisés et interopérables. Cette puissance de
frappe, côté achat, permet de concevoir pour un maximum d’entreprises
et diminue les coûts. Ça va devenir commun à l’avenir. La bouilloire
Kippit, qui sera bientôt sur le marché, est démontable. Il est possible
de changer n’importe quelle pièce et de la remonter. La garantie légale
des pièces est fixée à deux ans, mais on s’engage à fournir les pièces
à prix coûtant pendant 10 ans. » Pour augmenter la durabilité des produits sur lesquels il travaille, Damian Py a un autre secret : « Nous
surdimensionnons volontairement l’épaisseur de certaines pièces pour
les rendre plus résistantes. »
L’INDICE AU SERVICE DU CONSOMMATEUR
Aujourd’hui, le fabricant s’attribue une note sur chacun des critères selon
des grilles de notation et de la moyenne de ces notes résulte l’indice de
réparabilité. Une note sur 10 que les distributeurs ont l’obligation d’afficher à proximité du prix. Ils sont par ailleurs tenus de fournir le tableau
qui détaille les critères sur demande du client. « Nous avons fait quelques
webinaires à destination de nos adhérents, des distributeurs, mais aussi
à l’attention de la presse sur ce sujet. Et nous en organiserons de nouveaux lorsque les pouvoirs publics auront correctement ficelé l’indice
de durabilité », précise Alexandrine Fadin. Soucieux de réaffirmer leur
engagement, les fabricants adhérents du Gifam ont aussi créé une
plateforme baptisée monindicedereparabilite.fr. « Cette plateforme – la
plus complète à ce jour – permet de consulter la note d’indice de réparabilité des produits de ces fabricants. Plusieurs milliers de produits y sont
référencés puisqu’outre les données des fabricants membres, le site
collecte les données d’autres sites distributeurs. Il évoluera avec l’arrivée
de l’indice de durabilité », précise Alexandrine Fadin qui publie également, sur le site de l’organisation professionnelle, des tableaux destinés
à indiquer la durée de disponibilité des pièces détachées des marques
de ses fabricants adhérents. « Certains distributeurs les reprennent et
les affichent en boutique. » Des acteurs incontournables vont même
plus loin. Fnac et Darty s’engagent à accompagner leurs clients dans
des choix éclairés et durables parmi plus de 80 catégories de produits.
Leur objectif est également d’allonger la durée de vie des produits en
fournissant aux consommateurs des conseils d’utilisation et d’entretien pertinents. « En boutique, nous mettons en avant le choix durable : un
appareil par catégorie de produit qui, selon notre baromètre, coche le
plus de cases possibles », explique Anne-Claire Tran Thanh, directrice
durabilité du groupe Fnac Darty. Dans la 5e
édition du Baromètre du
SAV Fnac Darty, on retrouve notamment un classement des appareils
et des marques les plus durables. Ces produits sont évalués selon un
score de durabilité qui tient compte de la fiabilité et de la réparabilité,
fondé sur les retours d’expérience de leurs experts en service aprèsvente. Pour l’édition 2022, l’évaluation de la réparabilité a été enrichie
avec l’ajout d’un nouveau critère : le prix des pièces détachées. Cette
démarche démontre la volonté de ces enseignes de promouvoir des
produits réparables tout en facilitant l’accès aux pièces détachées à des
prix raisonnables. « Nous avons pu prendre les devants parce que nous
sommes les seuls à disposer d’autant de données. Nous le devons à
notre SAV qui existe depuis plus de 50 ans. Le plus par rapport à l’indice
de durabilité, tel qu’imaginé par les pouvoirs publics, c’est l’analyse
terrain et l’agrégation de données réelles. Nous ne nous limitons pas à
analyser si l’appareil est conçu pour durer longtemps, on s’assure de
la véracité de l’analyse en regardant ce qu’il en est réellement sur le
terrain. L’État est particulièrement intéressé par notre baromètre dont il
aimerait comparer les résultats à son indice au moment de sa mise en
application. Cela devient également une référence qui invite les marques
à se challenger. La prochaine édition sort en octobre prochain. Mais,
soyons clairs, la solution pour plus de durabilité, c’est la sensibilisation
et la formation des consommateurs français à l’entretien de leurs appareils. L’entretien est véritablement le parent pauvre de la durabilité.
C’est particulièrement vrai pour les machines à expresso », conclut
Anne-Claire Tran Thanh.