Réparabilité, seconde main et location : Les enjeux de la révolution RSE

20 octobre 2023

La responsabilité sociétale des entreprises se révèle être un phénomène de fond qui présage un changement profond. Mais tous les acteurs de la filière art de la table et ustensiles de cuisine sont-ils pour autant armés pour ces nouvelles pratiques, ou même simplement désireux de les adopter ?

Dans le monde en constante évolution de l’industrie de l’art de la table, de la décoration, de la cuisson, mais aussi du petit électroménager (PEM) et des ustensiles de cuisine, une tendance significative se dessine : l’adoption croissante des pratiques de responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Plus qu’une mode passagère, c’est une transformation profonde qui s’opère impulsée par des considérations écologiques et économiques. Ces secteurs investissent dans des initiatives telles que la réparabilité, la seconde main et la location, tout en suivant l’exemple de l’industrie de la mode. L’engagement croissant envers la RSE dans ces secteurs n’est en effet pas une simple réaction à une tendance éphémère. 

Il s’agit d’une réponse aux préoccupations croissantes concernant l’environnement et la consommation responsable. Les consommateurs sont de plus en plus soucieux de l’impact de leurs choix sur la planète et cherchent des solutions alternatives durables. « La hausse de la demande est le fruit de considérations autant écologiques qu’économiques, explique Damien Dodane, directeur général délégué de Cristel. Les ressources pour fabriquer nos produits ne sont pas éternelles et c’est une économie que d’employer des produits recyclables. L’inox que nous employons est déjà recyclé à 87 % et les produits issus de nos productions sont recyclables à 100 %. 

Le fabricant vendéen Daan Tech propose depuis cet été un programme de reconditionnement de son mini lave-vaisselle Bob : les appareils remis à neuf sont vendus sur son site internet environ 30 % moins cher que les neufs.

La recyclabilité, la réparabilité, la seconde main, reflètent certaines valeurs qui nous ont permis, pendant et depuis la pandémie de covid-19, de susciter l’intérêt des nouvelles générations plus exigeantes sur ces sujets. » Selon Damien Dodane, la durabilité est un élément que de nombreuses marques de luxe ou haut-de-gamme ont intégré aux prémices de leur développement. Une vision partagée par Vincent Grégoire qui décrypte les comportements et les attitudes du consommateur dans de nombreux secteurs pour l’agence Nelly Rodi : « Nous notons des évolutions. 

Initialement, les consommateurs se tournaient vers la seconde main pour des raisons économiques. Celles-ci ont évolué en raisons éthiques et basculent aujourd’hui vers des raisons culturelles. Les Anglais sont d’ailleurs à l’origine de l’expression “pre-loved” que je trouve très parlante. Les consommateurs recherchent un supplément d’âme et des matières de qualité. La seconde main devient un nouveau bourgeoisisme, un nouveau snobisme. C’est presque une posture en opposition à la consommation mercantile et personne ne va pouvoir y échapper. »

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DÉGLON ET DE’LONGHI OBTIENNENT LE LABEL LONGTIME

La coutellerie centenaire Déglon a obtenu en juillet dernier le label Longtime qui atteste du caractère durable des produits de la marque.

Créé par la société coopérative et participative Ethikis et soutenu par l’Agence de la transition écologique (Ademe), Longtime examine la durabilité des produits à travers 41 critères en termes de longévité, réparabilité et qualité du service après-vente. La marque Déglon rejoint de grandes marques déjà labellisées telles que Nature&Découvertes, Lafuma mobilier, Santos ou encore Rowenta. Les produits Déglon labellisés sont : les couteaux Premium, Damas 67, Grand Chef, Cuisine Idéale Sabatier Deg, High Woods, Génération Y, Cuisine Massive, Oryx, Darkwood, Essentiel, Bonne Cuisine, Surclass, Profil, Degscharf, Maxifil, les couteaux my.D, Silex Color, Richelieu, Taillanderie, Poisson, Fromage, les couteaux d’office, les couteaux à steaks et Meeting ; les ustensiles de cuisine Stop’Glisse, Surclass, Empire Café, Spatules, Petits Outils culinaires.

De l’atelier de fabrication jusqu’aux cuisines professionnelles, l’audit de labellisation Déglon a mis en évidence auprès de l’organisme tiers Apave (filiale du groupe éponyme spécialisé dans la maîtrise des risques) dédié aux labellisations et certifications son savoir-faire, la robustesse de ses produits (fiabilité via des tests), leur réparabilité et leurs conditions de garantie (mise en œuvre, accessibilité, emballages et autres conseils d’utilisation). Les couteaux et les ustensiles de cuisine, garantis à vie, ont obtenu 100 % de conformité sur l’ensemble de ces critères. Une longévité due à la sélection rigoureuse des matériaux (en particulier les aciers pour les lames, les bois pour les manches etc.), au savoir-faire de fabrication, transmis de génération en génération (meulage, montage, ponçage, affilage, etc.), ainsi qu’aux contrôles rigoureux à chaque étape de fabrication.

A noter par ailleurs que Déglon a mis en place l’offre Afil-Service, proposant ainsi à ses partenaires détaillants, distributeurs ou utilisateurs de faire appel à l’entreprise pour redonner vie aux tranchants de leurs couteaux. Et depuis 2017, le fabricant a initié une offre de location de couteaux et d’ustensiles auprès d’un lycée hôtelier, également accompagnée de services. Celle-ci s’étend à d’autres utilisateurs tels que des ateliers de découpe de l’industrie alimentaire par exemple. De’Longhi a également obtenu le label Longtime fin juin 2023 pour ses principales collections d’expresso broyeurs. « L’obtention de ce label réaffirme notre engagement en faveur de l’innovation et de la longévité de nos produits, explique-t-on chez De’Longhi. Cette validation est une étape importante pour De’Longhi, pour qui l’amélioration de la conception des biens commercialisés est une priorité, ainsi que le soutien à l’économie circulaire. »

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LA RÉPARABILITÉ : PROLONGER LA VIE DES PRODUITS

Dans cet univers en mutation, la réparabilité émerge comme un élément central de la révolution RSE. De nombreuses marques commencent à concevoir leurs produits avec l’intention explicite de prolonger leur durée de vie et de faciliter leur réparation. Cette démarche contribue à réduire l’impact environnemental en évitant le remplacement fréquent de produits défectueux. « L’inox ne se détériore pas. Aussi, chez Cristel, nous avons rapidement décidé que nos produits seraient garantis à vie. 

Paul Dodane, mon père, a repoussé la production de poêles antiadhésives jusqu’à ce que la demande soit trop importante et que nous n’ayons plus d’autre choix que de nous y mettre, mais c’était conditionné au fait de pouvoir rénover, rechaper cette partie antiadhérente pour apporter une deuxième, troisième, quatrième vie à la poêle dont la matière principale est l’inox qui lui ne bouge pas, explique Damien Dodane, avant de poursuivre : Le service de rechapage qui est entièrement réalisé en interne a bien évidemment un coût qui s’élève en général à 30 % de la valeur du produit neuf.
 Évidemment, la question de la rentabilité s’est posée, mais nous avons estimé que cela avait du sens, participait au développement de la marque Cristel sur le marché français. Pour nous c’est véritablement un élément différenciant entre le luxe, le haut de gamme et les gammes inférieures. Hermès le fait. C’est cela, le luxe : un produit qui se répare. Ce critère participe au choix du consommateur, il faut juste savoir le lui expliquer et cela passe par la formation des vendeurs en point de vente. » Évidemment, il est essentiel que les sujets de réparabilité, de seconde main et de location ne soient pas exclusivement réservés aux marques haut de gamme ou de luxe. 

Créée en mai 2023 à Paris par Jeanne Flottès, Nonni est une brocante en ligne qui présente une sélection de pièces chinées par celle-ci, ainsi qu’un service sur-mesure pour trouver la ou les pièces qui correspondent aux envies, recherches et besoins spécifiques des clients en matière d’art de la table, d’accessoires de décoration, de luminaires ou de mobilier. Ici, les assiettes en faïence Saintes.

Pour que l’impact soit réel et significatif, ces pratiques doivent être accessibles à tous les consommateurs, quel que soit leur budget. Cela encourage un changement de comportement plus généralisé vers des pratiques d’achats durables. 

Depuis 2016, la marque française Daan Tech met en œuvre des initiatives visant à prolonger la durée de vie des produits électroménagers et à réduire les déchets. L’entreprise conçoit ses produits en mettant l’accent sur leur réparabilité, leur longévité et leur faible impact environnemental. 

Construit comme un Lego, le lave-vaisselle Bob se démonte de A à Z à l’aide d’un simple tournevis. En cas de panne, un premier diagnostic est réalisé à distance avec l’équipe SAV de la marque qui, en cas de besoin, peut envoyer un joint, un raccord, une carte électronique à son propriétaire qui n’a plus qu’à suivre un tutoriel de la chaîne Youtube de la marque pour procéder à sa réparation. 


Même désir de réparabilité chez Weetulip qui commercialise la carafe Weepure, une carafe filtrante 100 % naturelle grâce à son charbon de bambou. « Nous avions initié une démarche 0 déchet dans nos vies personnelles et nous faisions alors le constat d’un manque de produits à la fois ingénieux d’un point de vue écologique et esthétique. Nous nous séparions évidemment des bouteilles en plastique et il existait des carafes à filtre, mais rien de ce qui se faisait me semblait élégant.

La carafe filtrante Weepure Smart de Weetulip est dotée d’un bouchon-compteur de litres, permettant ainsi le suivi de sa consommation d’eau, pour changer le charbon de bambou en temps voulu. Réalisé à partir d’inox et de matériaux biosourcés durables, le bouchon-compteur est fabriqué en France. Fabriquée au Portugal, la carafe en verre est recyclable. « L’écodesign est au centre de notre préoccupation pour créer un objet simple, sans électronique, facile à recycler, avec des matériaux durables, et conçu avec des pièces amovibles et remplaçables », explique Yvette Roozenbeek, fondatrice de Weetulip.

 Je voulais développer un objet qui puisse donner envie aux consommateurs d’emprunter la voie de l’écologie. Notre carafe à charbon est fabriquée en Europe à partir de matériaux innovants et recyclables et le client peut nous solliciter pour des pièces détachées si l’une d’entre elles venait à se casser ou montrait des défaillances », détaille Yvette Roozenbeek, fondatrice de l’entreprise.

LA SECONDE MAIN, UNE OPPORTUNITÉ INSPIRÉE DE LA MODE

Le marché de la seconde main gagne également du terrain dans l’art de la table, la décoration, la cuisson, le petit électroménager et les ustensiles de cuisine. Les consommateurs sont de plus en plus enclins à acheter des articles d’occasion, que ce soit pour des raisons économiques ou écologiques. 

Certaines marques adoptent cette tendance en proposant des services de seconde main, permettant aux clients de revendre leurs produits usagés ou d’acheter des articles pré-aimés à moindre coût. Cette démarche réduit la demande pour des produits neufs, contribuant ainsi à la préservation des ressources et à la réduction des déchets. Pour aider ses adhérents à comprendre et à intégrer la RSE dans leur activité, la Confédération des arts de la table (CAT) a proposé ce thème, en juin dernier, lors de son colloque de deux jours. 

En partenariat avec Iwas, entreprise spécialisée dans la revalorisation des déchets en produits durables, Point-Virgule propose des objets du quotidien entièrement upcyclés. Ici les verres Auburn, également disponible en vert et transparent. Prix public : à partir de 24,95 €. 

Au programme : une analyse des habitudes de consommation et des tendances du marché ainsi que des témoignages et expertises d’intervenants reconnus dans leur domaine, le tout appliqué au secteur des arts de la table. À cette occasion, l’intervention de Yasmine Arsalane, directrice de l’expérience client mondiale et des nouveaux services chez Petit Bateau, a particulièrement marqué les esprits. 

« Les arts de la table sont désormais sur Vinted, Leboncoin, Rakuten... Le marché de la seconde main existe bel et bien dans notre secteur. La distribution classique doit-elle laisser aux plateformes l’exclusivité de la seconde main ? 

Je ne pense pas », estime Thierry Villotte, président de la CAT, avant de poursuivre : « Au colloque en juin dernier, nous avons bénéficié de l’intervention de la marque enseigne Petit Bateau qui est donc à la fois fabricant et enseigne. Elle a entièrement reconstruit son business en y intégrant la notion d’augmentation de vie d’usage du produit. 

Cela sous-entend pour elle une première main qui à terme, représentera très certainement une part minoritaire de son chiffre d’affaires , puis une seconde, troisième, quatrième, cinquième, sixième et, parfois même, septième mains auxquelles vient s’ajouter un système de location. Il existe un véritable parallèle entre l’industrie textile et l’art de la table. 

Depuis plus de 20 ans, Cristel propose un service de rechapage de ses ustensiles revêtus afin d’éviter de jeter ceux-ci. La promesse ? Profiter à vie de son ustensile.

Le textile est hyper polluant et certains de nos métiers le sont tout autant. Fabriquer un verre requiert du sable et du gaz. Fabriquer de la porcelaine, c’est extraire des minéraux du sol et utiliser encore beaucoup de gaz pour les chauffer. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus écologique. Et, en plus, aucune de ces filières verre, vaisselle, couvert n’est, à ce jour, structurée en termes de recyclage. Si l’on dresse le bilan, ce n’est pas terrible. En revanche, à l’instar des produits Petit Bateau, la durabilité de ces objets est extraordinaire », analyse Thierry Villotte. 

Comme l’industrie de la mode, l’art de la table peut bénéficier de la demande croissante pour des produits de qualité à moindre coût. En encourageant l’achat d’articles d’occasion, les marques peuvent réduire leur empreinte carbone tout en élargissant leur clientèle. « Nous avons mis en place un service de seconde main depuis deux ans, témoigne Damien Dodane (Cristel). Toute une économie se crée autour de la seconde main. Nous sentons bien que nous sommes aux prémices. Tout du moins dans notre domaine d’activité. 

Si l’on considère l’accroissement réel de notre activité de rechapage, il y a fort à parier que la seconde main prenne une part importante de notre activité générale. Pour le moment, celle-ci n’est disponible que sur notre site internet, mais nous devons passer à la vitesse supérieure et proposer ce service à nos revendeurs très prochainement. Cela fait véritablement partie de nos prochains chantiers. Nous valorisons les produits qui nous sont renvoyés soit parce qu’ils sont abîmés, soit parce que le client souhaite, en contrepartie de son renvoi, obtenir un bon d’achat qui lui permettra d’accéder à un produit de qualité supérieure. Le produit restitué sera ensuite réparé, repoli et remis en circulation dans des associations ou en deuxième choix dans nos magasins. A moins que son état soit trop dégradé : dans ce cas, il partira en recyclage auprès d’acteurs habilités à recycler les matériaux que nous utilisons. »

UNE ÉVOLUTION NATURELLE VERS LA LOCATION  

Le Jacquard Français poursuit son engagement en faveur d’une production plus éthique et responsable avec le déploiement fin septembre d’une offre de seconde main (https://secondemain.le-jacquard-francais.com). 


La marque entend ainsi donner une seconde vie à ses articles de linge de table et offre la possibilité aux consommateurs de vendre leurs nappes et chemins de table en échange d’un bon d’achat ou d’acheter des articles de seconde main remis à neuf. La marque reprend les nappes et les chemins de table neufs avec étiquette, neuf sans étiquette ou les nappes en bon état. Les le produit ne correspondant pas à ces critères de reprise seront donnés à une association.

La location d’articles liés à l’art de la table, à la décoration ou au petit électroménager devient en outre une évolution naturelle de ces secteurs. Des marques, à l’instar de Degrenne, envisagent ce système comme une option viable pour prolonger la vie d’usage des produits. “Durant la fin de l’année dernière, nos clients lyonnais et parisiens ont ainsi pu utiliser un produit pour une période déterminée, puis le retourner pour être réutilisé par d’autres. Nous avons été contraints de mettre en pause cette expérience test parce que d’autres chantiers, plus prioritaires, réclamaient alors toute notre attention, mais nous y reviendrons, c’est certain », détaille Noémie Crochet, directrice de la distribution chez Degrenne. 

Idéale pour varier les plaisirs ou offrir à ses convives une table d’exception sans trop d’engagement, la pratique s’inspire également de l’industrie de la mode où la location de vêtements est devenue courante. Celle-ci présente un double avantage : elle réduit la pression sur les ressources en évitant la production de nouveaux articles à chaque fois, tout en offrant aux consommateurs la possibilité de profiter de produits de haute qualité sans avoir à les acheter. C’est un modèle économique gagnant-gagnant qui s’aligne parfaitement avec les principes de la RSE. 

Si certains ont déjà embrassé ces nouvelles tendances avec enthousiasme réorientant leur production, repensant leurs processus de conception, et collaborant avec des artisans et créateurs locaux pour créer des produits durables et innovants, pour d’autres, le chemin vers une approche plus responsable peut sembler semé d’obstacles, que ce soit en termes de coûts, de logistique ou de changement de mentalité.

LES CONTRAINTES DE LA REVERSE LOGISTIQUE 

« La reverse logistique est, en effet, problématique pour la simple et bonne raison que, hormis les couverts, les produits des arts de la table ne voyagent pas bien. C’est difficile de confier du verre ou de la porcelaine à La Poste ou Mondial Relay. À moins que vous soyez un pro de l’emballage... 

Quand bien même, le risque de casse reste très significatif. A cela s’ajoute le fait que les produits sont pondéreux et le coût peut vite devenir exorbitant par rapport à la valeur de ceux-ci. Le groupe de travail que nous avons mis en place à l’issue du dernier colloque doit permettre de réfléchir à des solutions qui répondront à ces problématiques », explique Thierry Villotte. 

Pour le président de la CAT, afin d’éviter le coût disproportionné de la reverse logistique, le point de vente physique doit rester central. « Idéalement, tout devrait se faire de manière très localisée, très “circuit court”. Quitte à ce qu’un système d’information soit mis en place et que les détaillants puissent échanger quant à leur stock de seconde main et mettre en place une reverse logistique interne », idéalise Thierry Villotte. 

Si du côté de l’offre cuisson, les fabricants peuvent compter sur des matériaux ultrarésistants, la reverse logistique soulève d’autres problématiques comme l’indique Damien Dodane : « Pour le rechapage chez Cristel, le défi est aussi logistique. Nous avons la possibilité de fournir ce service en France et aux pays limitrophes, mais la prise de conscience va progressivement devenir mondiale et nous souhaiterions pouvoir le proposer à l’ensemble de nos consommateurs à travers le monde, notamment aux Etats-Unis ou au Japon. Auquel cas, nous aurons besoin de déléguer ce service de rechapage à des prestataires externes. Réacheminer des produits Cristel jusqu’à la France pour les rechaper n’aurait aucun sens écologiquement parlant. »

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FAMILY ROOM PARIS : LA SECONDE MAIN BTOB

Nathalie Perinet-Marquet croit à la seconde chance ! Elle a fondé il y a 5 ans Family Room dont l’offre est uniquement composée d’objets d’art de la table et de décoration de seconde main. « Mes clients sont des magasins et des restaurants à l’international, mais aussi en France, qui s’intéressent aux produits de seconde main de qualité.

Les pièces que je vends sont utilisées en l’état ou détournées, dans un esprit de mélanger et dépareiller les tables, les matières et les styles. Les magasins avec lesquels je travaille sont notamment en recherche d’une sélection pointue pour leurs clients », explique Nathalie Perinet-Marquet qui exposait en septembre pour la 4e fois à Maison&Objet.

Une proposition d’objets unique, voire hétéroclite, qui permet de dresser une jolie table et qui, de l’aveu de la fondatrice de Family Room, ne peut prétendre à être autre chose qu’un marché de niche, mais « qui participe au changement de regard sur notre consommation ».

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LES DÉFIS DE LA RENTABILITÉ  

Défenseur de l’environnement, Lionel Debus, directeur général des magasins TOC, s’interroge sur ces sujets RSE depuis longtemps. « La responsabilité écologique a toujours été au cœur des choix de l’enseigne TOC. Nous privilégions le made in France depuis toujours dans nos achats, que ce soit pour nos produits comme pour nos supports marketing et, dans un esprit antigaspillage, nous commercialisons nos produits de second choix à des prix attractifs. 

J’entends par là les produits qui peuvent présenter des imperfections mineures, mais qui ne sont pas nécessairement défectueux. Et nous accompagnons également le rechapage des poêles Cristel pour développer la durée de vie des produits. » Ces convictions écologiques n’empêchent pas le directeur de l’enseigne TOC d’émettre quelques réserves sur la seconde main et la location dans son domaine d’activité : « La seconde main est facilement intelligible dans le prêt-à-porter, en particulier chez les enfants qui changent de taille très régulièrement. 

Les vêtements sont des produits qui demandent une rotation. En revanche, une barrière psychologique demeure pour les produits dits alimentaires ou culinaires. Tous les articles ne s’y prêtent pas. Pour autant, nous sommes convaincus que nos magasins devront bientôt proposer ce type de service. Aussi, c’est un sujet sur lequel nous travaillons. Ne serait-ce que pour déterminer les catégories de produits qui seraient susceptibles de s’inscrire dans cette démarche, mais je pense que nous ne sommes pas encore prêts. 

Cela requiert du temps et des moyens humains pour que ce soit pertinent et aujourd’hui chez TOC, nous en manquons un peu. La location est également une piste de réflexion. Cela évite au consommateur d’acheter un gaufrier, un appareil à raclette, qui dormira dans un placard la majeure partie du temps. Cela peut aussi lui permettre de le tester avant de l’acheter. Après, il faut aussi que le commerçant y trouve son compte. Quel contrat d’assurance ? Quel contrat de location ? Comment détermine-t-on le prix ? » 

Qu’ils évoluent dans le secteur de l’art de la table, de la décoration, de la cuisson, du petit électroménager ou des ustensiles de cuisine, nombreux sont les acteurs qui se questionnent quant à la rentabilité des pratiques de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) telles que la réparabilité, la seconde main et la location comme en témoigne Thierry Villotte (CAT). « Une détaillante m’a interpellé à l’issue du colloque de juin en me disant : “Oui mais moi si je fais du business de seconde main, je vais tuer mon business de première main.” C’est une crainte assez naturelle. Petit Bateau y a répondu en expliquant qu’il n’y avait pas différents business, mais uniquement de la vente de produits et que le seul indicateur de référence doit être le chiffre d’affaires de la boutique qui, lui, doit être maintenu. Il faudra peut-être un peu plus de volume. » 

Cette crainte, Lionel Debus la partage : « Nos magasins ne sont pas extensibles. Allouez une partie de la superficie de votre surface de vente pour des produits de seconde main ou de location se fait forcément au détriment de la surface qui pourrait servir à la vente de produits “standards” sur lesquels les commerçants gagneront sans doute mieux leur vie. La question de la rentabilité est inévitable. Il y a certes un marché mais la question fondamentale demeure : Qu’allons-nous, en qualité de revendeurs, apporter de plus que des plateformes qui sont sur ce marché depuis longtemps hormis un reconditionnement professionnel ? »

DE PUISSANTS LEVIERS MARKETING  

Des interrogations légitimes. Pour autant il est important de souligner que ces nouvelles offres peuvent tout aussi bien devenir un levier marketing fort pour attirer et fidéliser les clients. En effet, elles offrent plusieurs avantages susceptibles de renforcer la position des entreprises sur le marché et répondre aux attentes croissantes des consommateurs soucieux de l’environnement. « Une personne qui hésite à acheter un produit neuf parce qu’il l’estime cher ou insuffisamment rentable rapporté à sa durée d’usage, changera peut-être d’avis s’il sait qu’il a cette possibilité de récupérer une partie de son argent en le revendant plus tard pour lui donner une seconde vie. 

Le marché de la seconde main peut tout aussi bien faire sauter des freins. J’y réfléchissais déjà lorsque je dirigeais Degrenne, il y a 7 ou 8 ans. Pour moi, c’est du chiffre d’affaires additionnel sur des tranches de population qui n’achetaient pas avant. Cela me semble très important à un moment où notre marché est en train de se segmenter considérablement. Il y a de plus en plus de produits dits d’entrée de gamme ou haut de gamme, et de moins en moins d’entre-deux. 

Ce n’est pas qu’un sujet de classe social, c’est une évolution des modes de consommation qui se retrouvent aussi dans la mode avec des personnes aisées qui porteront un T-shirt mass market avec une pièce Chanel par exemple », analyse Thierry Villotte. Une vision partagée chez Cristel : « Le service de rechapage – entièrement réalisé en interne – représente bien évidemment un coût qui s’élève généralement à 30 % de la valeur du produit neuf. Évidemment, la question de la rentabilité se pose quand on décide de faire une poêle qui peut durer des décennies, mais nous avons collectivement estimé que ça faisait sens. 

La réparabilité est aujourd’hui un levier marketing très important dans la commercialisation de nos produits. Le client reconnaît certes la différence de prix entre nos poêles et d’autres bon marché, mais il voit l’achat comme un investissement, puisque cet ustensile qui pourra être rénové, recyclé, aura, de facto, une durée d’usage optimisée », conclut Damien Dodane.



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