Dossier

La personnalisation, industrie du futur ?

14 mai 2020
Par : Sophie KOMAROFF

La configuration 3D offre aux commerces physiques et connectés une opportunité de valeur ajoutée : captation de nouveaux clients, transformation des leads, upselling… Explications avec Henri Foucaud, cofondateur et dirigeant d’Hapticmedia, entreprise spécialisée dans la visualisation et la personnalisation.

Offrir International : Comment la configuration 3D s’inscrit-elle dans le parcours d’achat ? 

Henri Foucaud a fondé Hapticmedia en 2014 avec Hugo Rimélé, Loïc Mulhmann, Lionel Liebe. Leur expertise : la solution marketing de représentation 3D

Henri Foucaud : La modélisation 3D et l’offre de personnalisation interviennent une fois que le client a rencontré l’objet online : l’enjeu consiste à le garder captif et lui offrir l’expérience la plus efficace possible. Si ce contact s’établit mal, le client ira sur un autre site. Le défi pour les marques et la problématique de la navigation sur smartphone sont donc de garder le consommateur le plus longtemps possible. Plus le taux d’engagement et le temps passé sur la page sont élevés, plus il y a de chances que celui-ci achète directement en ligne, qu’il se rende en boutique pour y trouver le produit ou reste sur la marque car il y a perçu quelque chose. Le plus important est de créer ce lien : nous travaillons donc dans l’obsession de recréer l’émotion que suscite le produit et ce qui se passe en boutique. Dans le domaine du luxe, il est crucial d’être vigilant : le cerveau est en effet un outil incroyable qui détecte le moindre élément qui sonne faux. Dans ce cas, il opère un blocage et l’achat ne se fait pas. La qualité et la précision (détails sur la fluidité, donner l’impression d’avoir l’objet en main, travail sur la lumière, cinématique, etc.) sont incontournables pour être immersif : si le résultat est raté, c’est pire que de n’avoir rien fait.

Est-il déjà possible de parler de mass customisation ? 

La personnalisation relevait essentiellement de la logique artisanale, mais l’industrie 4.0 est aujourd’hui capable de la mettre en œuvre, avec la production d’objets uniques dotés de caractéristiques définies par l’utilisateur sur une interface digitale. Cette tendance est croissante chez les consommateurs à l’heure où tout le monde cherche à se créer personnalité particulière. La personnalisation répond à cette notion d’identité forte et au désir croissant d’expérientiel.

Cette volonté de singularité transparaît d’ailleurs aussi dans les réseaux sociaux (“je vais m’affirmer en tant que personne avec des éléments qui me différencient”). Les marques ont désormais la possibilité de la satisfaire et de se distinguer dans marché concurrentiel. Dans le secteur du luxe a fortiori, le consommateur achète sa part de rêve. Quelle que soit sa taille, elle comprend forcément un lien émotionnel et une dimension individuelle. Plus elle est forte, plus elle est identifiée et unique, meilleure est la réponse à cette logique. Toutes les marques de luxe s’orientent par conséquent naturellement vers cet outil.

Par ailleurs, certains éléments sont propres au marché du luxe : la croissance de celui-ci pour les 5 à 10 prochaines années est en Chine et chez les Millennials. Le smartphone y est le premier média : le premier contact avec le produit s’établit donc via le mobile. Il est intéressant d’y proposer une expérience qui valorise la marque, le produit, et commencer à y générer du lien. L’expérience de personnalisation et de cocréation de son objet est interactive et ludique, donc répond parfaitement à l’outil qu’est le mobile. En outre, le made to order est naturel et ancestral en Chine. Ces deux éléments combinés font que l’expérience de personnalisation et l’outil de customisation sont recherchés et pertinents.

Quels sont les effets en termes de conversion à l’achat ? 

Une fois que le client a coconstruit son objet, il se projette et change difficilement de marque. S’il voit ce qu’il a envie de voir et si le parcours est fluide, il ne “zappe” pas. Guerlain a par exemple observé que la page du Rouge G avait vu son taux de conversion multiplié par 7 par rapport à la version sans configurateur 3D. Autre exemple avec Cuisine Schmidt, chez qui le taux de transformation des leads est passé de 30 % à 50 % après le déploiement de notre solution, avec un temps passé sur l’application en constante hausse. Un autre effet améliorateur de la configuration 3D est la réduction des retours. De plus, si le premier contact avec le produit se fait via un smartphone ou une tablette, la modélisation 3 D est pourvoyeuse de trafic en magasin, et doit l’être puisque 85 % des ventes se concluent en point de vente physique (DNVB [digital native vertical brand] non incluses).

L’outil permet en outre de visualiser les choix des consommateurs : les objets manipulés, les cinématiques enclenchées, les options, les finitions et les coloris qui suscitent de l’intérêt, etc. Autant de statistiques qui permettent d’améliorer les outils marketing… Cela permet aussi de créer des produits qui n’existent pas. Du moment que nous disposons des briques élémentaires et de la façon de les associer, nous pouvons les combiner à l’infini (pour Cuisine Schmidt, la combinatoire est de 10 puissance 26 !). Le produit a alors une existence virtuelle et peut-être soumis aux avis sur les réseaux sociaux. 

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Un partenariat avec Baccarat 

Baccarat a fait appel à Hapticmedia pour le développement d’un outil 3D de customisation (opérationnelle depuis décembre dernier) pour la commercialisation de ses lustres et chandeliers. La combinatoire étant vaste (nombreuses formes, couleurs, motifs, options, etc.), il était nécessaire de guider le consommateur dans la construction de l’objet pour lui permettre de visualiser le projet et mettre ce dernier en situation. La solution de modélisation 3D et de personnalisation développée par Hapticmedia est aussi un outil pour les commerciaux de Baccarat qui accompagnent les clients dans leurs achats lors des visites à domicile, mais aussi dans les magasins physiques. La solution permet au client qui n’avait jusqu’alors accès qu’à des échantillons vus en showroom de se construire une image mentale. Elle s’inscrit dans une logique d’upselling, permettant d’imaginer et construire des objets qui n’auraient jamais été vendus car difficilement représentables, plus complexes et précis et adaptés au goût exact du client.

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