Dossier

Degrenne : 70 ans d'art de vivre et une nouvelle partition à composer

26 août 2018
Par : Sophie KOMAROFF

Le groupe poursuit sa refonte et déploie depuis avril dernier son nouveau concept de magasin. Parallèlement, il célèbre ses 70 ans avec un enjeu en toile de fond : la réussite de sa relance, dont les objectifs sont de renouer avec la croissance sur le territoire national et de conquérir de nouveaux marchés à l’export.

Le fabricant de produits d’art de la table basé en Normandie célèbre ses 70 ans sur fond de “gris Degrenne”. Une couleur qu’il a remise à l’honneur à l’été 2017 lors de la refonte de son identité visuelle et qui orne le nouveau logo de la marque, en souvenir de l’acier de blindage des chars du Débarquement abandonnés sur les plages de Normandie, que Guy Degrenne avait utilisé pour l’emboutissage de ses premiers couverts. Visionnaire, l’entrepreneur avait pressenti le caractère prometteur de l’acier inoxydable et la résistance de ce matériau pour la fabrication des couverts de table. Depuis 1948, à Sourdeval puis à Vire depuis 1968 (où la fabrication en série est instaurée), l’aventure de l’entreprise normande se poursuit dans le même esprit innovant qui a présidé à sa fondation. Degrenne conserve son statut de fleuron de l’industrie française de par son savoir-faire en matière d’emboutissage profond de l’inox, et de spécialiste de l’art de la table dans les foyers et sur les tables des chefs. La marque jouit d’ailleurs toujours d’un capital affectif fort auprès des consommateurs.

Autre point essentiel, la logique de diversification de Degrenne, notamment concrétisée dans les années 1980 par le rachat d’une usine de porcelaine près de Limoges, puis d’une autre en 1999 à Alföld en Hongrie. Degrenne ouvre également sa première boutique en 1996, quelques mois avant son introduction sur le second marché de la Bourse de Paris. Diversification toujours avec la verrerie, les articles de cuisine, et depuis l’an dernier le linge de table. 

Dans un contexte délicat et un marché fortement concurrentiel, le groupe est néanmoins en difficulté depuis plusieurs années. Circonstances qui ont conduit à un changement managérial fin 2016, avec l’arrivée à la direction générale du groupe de Thomas Mulliez, successeur de Thierry Villotte. Avec pour objectif de renouer avec la rentabilité pour pérenniser le groupe, aujourd’hui détenu par Diversita. S’en sont ensuivies, entre autres, la refonte de l’identité de la marque, avec notamment une collaboration remarquée avec le designer Philippe Starck, la rationalisation de l’offre produits, et l’organisation de celle-ci en trois univers (voir Offrir International n°461 en pages 70 à 72).



Remodelage du parc de distribution 

Fin avril, le groupe a publié un chiffre d’affaires annuel total de 71,5 millions d’euros. Un résultat en recul de 16,4 % par rapport à l’exercice précédent (2016-2017). Les segments art de vivre et industrie sont respectivement en diminution de 8,6 % et 19,6 %. Un contexte délicat, mais qui était attendu.

Degrenne a en effet d’une part entamé une démarche de rationalisation de ses activités BtoC en France. « Les ventes du réseau BtoC France en propre (boutiques, corners, outlets, site internet) affichent un recul du chiffre d’affaires de 12,9 % en non comparable du fait de la fermeture de certains points de vente au cours des 12 derniers mois, expliquait la direction dans un communiqué daté du 30 avril 2018. A périmètre comparable, les ventes du réseau BtoC en propre affichent un recul de 6,2 %.» Recul qui n’est que de 4,6 % sur le 4e trimestre de l’exercice. Les ventes BtoC de produits d’arts de la table et de cuisine sont, de plus, impactées par l’arrêt de l’activité en grandes et moyennes surfaces, effectif depuis la fin de l’année 2017. 

Concernant sa distribution en France, le groupe rationalise son parc de distribution (17 points de vente) et met en œuvre un programme d’ouverture de magasins en propre, avec un objectif de 3 nouvelles boutiques pour la période 2018-2019. La première a ouvert le 13 avril dernier rue Saint-Placide à Paris. Une deuxième est prévue dans les prochaines semaines en Bretagne, dans le centre-ville historique de Rennes. Celles-ci sont aux couleurs de la nouvelle identité de la marque. « Ces ouvertures s’inscrivent dans une nouvelle politique commerciale, indique Blandine Franc. Nous les implantons dans des quartiers plus féminins, plus orientés vers l’art de vivre, et non plus dans des quartiers d’affaires tels que la Madeleine à Paris.Nous choisissons aussi de plus petits espaces, toujours en vue de rationaliser les coûts, en mettant en scène distinctement nos 3 univers, pour que chacun ait son propre territoire d’expression. » Artisanal nature est ainsi présenté sur des étagères bois et fond blanc, Quotidien design sur étagères bois et fond gris, et Tradition gourmet sur des étagères gris foncé et un fond gris également. La stratégie semble fructueuse, puisque « nous enregistrons 10 à 20 % de croissance dans nos points de vente depuis janvier 2018 », note Blandine Franc. 

Parallèlement, 7 points de vente ont été fermés, dont celui de la rue Boissy-d’Anglas (quartier de la Madeleine) à Paris en décembre dernier, qui faisait également office de showroom pour les clients du CHR. Celui-ci se trouve désormais rue de la Boétie à Paris, où sont installées les équipes commerciales et marketing depuis juin 2017.

Du côté de ses partenaires distributeurs, Degrenne s’oriente en outre vers une sélection des points de vente, privilégiant les plus à mêmes de travailler la marque en cohérence avec la nouvelle image et le positionnement de la maison.



Capitaliser sur le Made in France

Autre chantier d’envergure d’autre part, le plan Vire 2020, destiné à moderniser l’outil de production historique du groupe, avec un investissement dont le montant n’est pas communiqué. C’est effectivement à Vire et entre les mains de ses ouvriers que le reposent le savoir-faire et l’excellence Degrenne pour le segment de l’acier inoxydable. Sa pérennisation est de fait prioritaire pour l’équipe dirigeante, et la clef de voûte de son objectif de retour à la rentabilité. A cet égard, l’usine Degrenne de fabrication de couverts Siam Tableware en Thaïlande, mise en service dans les années 1990, a été fermée en 2017. La majorité de sa production a été rapatriée en France, avec à l’horizon 2020, le retour à Vire de la production actuellement sous-traitée en Asie. Le groupe souhaite non seulement saturer son outil de production et en accroître la compétitivité, maintenir son savoir-faire et l’emploi dans le Calvados, mais aussi capitaliser sur le Made in France. Car Degrenne réalise 75 % de son chiffre d’affaires dans l’Hexagone, ce qui le rend dépendant du marché national, et entend bien aller actionner de nouveaux leviers de croissance à l’export, fort de l’aura du Made In France sur les produits d’art de vivre, notamment en matière de gastronomie.

Centralisation de la production toujours, avec la fermeture en juin du site thiernois de Therias & l’Econome, racheté en 2015 par Degrenne et qui emploie une vingtaine de personnes, annoncée l’hiver dernier. Une décision inscrite dans le plan de redressement du groupe, justifiée par l’équipe dirigeante par une « forte sous-activité du site » et un « état vétuste » et assortie d’une proposition de reclassement des ouvriers en Normandie, l’activité étant relocalisée sur le site de Vire.



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